Ambassadeur du Liban en Allemagne depuis 2013, son nom n’a émergé que dimanche 30 août pour remplacer Hassan Diab, dont le gouvernement a démissionné après l’explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth. Moustapha Adib s’est engagé dès sa désignation à former une équipe ministérielle “d’experts” et de personnes “compétentes” capable d’enclencher des réformes longtemps attendues.
Il a ainsi évoqué la “nécessité de former un gouvernement en un temps record et de commencer à mettre en œuvre des réformes, avec comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international”, dans un pays en plein naufrage économique.
Marié à une Française et père de cinq enfants, cet homme qui a fêté dimanche ses 48 ans est né dans la ville de Tripoli, dans le nord du Liban. Il est musulman sunnite, dans un pays où le pouvoir est basé sur un partage communautaire.
“Calme, poli et diplomate”
Selon la Constitution, le poste de chef de gouvernement est dévolu à la communauté sunnite. D’après le site de l’ambassade du Liban à Berlin, Moustapha Adib est un universitaire titulaire d’un doctorat en sciences politiques. Il a mené “des recherches dans les domaines de la sécurité (…), de la décentralisation et de la démocratie locale, ainsi que des lois électorales”.
“Dans son parcours professionnel et personnel, il a toujours été un universitaire appliqué, un homme au tempérament calme, poli et diplomate”, affirme un proche de Moustapha Adib, sous couvert d’anonymat. Un de ses anciens étudiants, Mohamad Dheiby, le décrit comme un enseignant “timide”. “Il avait alors environ 28 ans (…) S’il ne portait pas de costume, nous n’aurions pas cru qu’il était un professeur d’université.”
De 2000 à 2004, il a été conseiller de Najib Mikati, un milliardaire et ancien Premier ministre originaire comme lui de Tripoli. Sa nomination a été parrainée par un groupe d’anciens Premiers ministres, dont Saad Hariri, Fouad Siniora et M. Mikati.
Restaurer la confiance
Dès sa désignation, le nouveau Premier ministre s’est rendu dans un quartier dévasté par l’explosion au port de Beyrouth, qui a tué au moins 188 personnes et anéanti des quartiers entiers de la capitale. Ni le président Michel Aoun ni l’ex-Premier ministre Hassan Diab n’avaient visité ces quartiers.
Les habitants du quartier de Gemmayzé n’ont pas immédiatement reconnu le technocrate aux cheveux grisonnants soigneusement coupés. En chemise et pantalon, l’air décontracté, Moustapha Adib a été à la rencontre de plusieurs habitants, leur demandant de lui faire “confiance” et de travailler “main dans la main”, a constaté un correspondant de l’AFP.
Alors que certains habitants ont salué cette démarche, d’autres l’ont hué, scandant des slogans phares de la contestation déclenchée en octobre dernier pour exiger le départ de l’ensemble d’une classe dirigeante jugée corrompue et incompétente.
Sur les réseaux sociaux, les militants n’ont pas tardé à comparer Moustapha Adib à son prédécesseur Hassan Diab, qui avait promis en vain en janvier de diriger un premier gouvernement de technocrates indépendant des partis traditionnels au pouvoir. “Moustapha Adib est un nouveau Hassan Diab, mais la différence est qu’il a l’aval du Courant du futur”, a écrit sur Twitter Mohamad Chamieh, en référence à la formation politique de l’ex-Premier ministre Saad Hariri, qui détient le plus grand nombre de députés sunnites dans l’hémicycle.
Sur la page Facebook “Lebanon Rises Up – Germany”, des militants libanais résidant en Allemagne ont qualifié Moustapha Adib de produit du passé ne pouvant incarner le changement. “Nous ne voyons aucun changement pour le mieux dans la nomination de l’ambassadeur Moustapha Adib, car il est soumis au système de quotas en place au Liban”, a déclaré le groupe dans un communiqué, en référence au partage communautaire du pouvoir.