La réquisition des stocks de chloroquine met à mal ses utilisateurs

Le ministère de la Santé a réquisitionné le stock national de chloroquine, un antipaludéen jugé “efficace” dans le traitement des cas graves de coronavirus, utilisé aussi dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus. Une réquisition qui risque de laisser des centaines de malades sans médicament.

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Une employée d’un laboratoire médical teste un échantillon du nouveau coronavirus Covid-19 à Roosendaal, aux Pays-Bas, le 4 mars. Crédit: Rob Engelaar/AFP

Dans un contexte de panique générale causée par la propagation rapide du coronavirus (Covid-19), la chloroquine cristallise tous les espoirs. Ce traitement antipaludéen décrit par le président américain Donald Trump comme “le remède miracle contre le coronavirus”, a été testé en Chine, puis en France et a montré des effets positifs sur “des cas graves de coronavirus”.

Dès l’apparition des premiers résultats des tests effectués sur des échantillons très restreints de patients, le ministère de la Santé a récupéré l’intégralité du stock produit par le groupe pharmaceutique Sanofi Maroc, le seul laboratoire qui produit les deux médicaments à base de chloroquine — Nivaquine et Plaquenil —, pour anticiper son éventuelle utilisation dans le traitement du coronavirus.

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Des patients sans traitement

Mais cette réquisition imposée par le contexte de lutte contre le coronavirus a vidé les tiroirs des pharmacies de ce médicament qui entre également dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus, une maladie chronique auto-immune qui survient lorsque le système immunitaire s’attaque aux cellules de l’organisme et les détruit.

Contactés par TelQuel, plusieurs pharmaciens confirment la rupture de stock de ce médicament. “Cette rupture de stock s’explique par la décision du ministère de la Santé de saisir le stock de chloroquine en vue de l’utiliser dans le traitement du coronavirus”, souligne Mounir Tadlaoui, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM).

“J’ai prescrit des ordonnances à mes patients pour pouvoir récupérer ce traitement auprès des délégations régionales de la Santé”

Khadija Moussayer

Ceci met à mal les patients qui dépendent de ce traitement. “Des centaines de patients, notamment ceux qui souffrent du lupus, doivent prendre de la chloroquine quotidiennement pour lutter contre le déclenchement des crises de cette maladie. C’est un traitement indispensable et irremplaçable”, explique Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne.

Et d’ajouter : “J’ai prescrit des ordonnances à mes patients pour pouvoir récupérer ce traitement auprès des délégations régionales de la Santé”. Comme elle, Mounir Tadlaoui a aussi précisé que la chloroquine pourrait être disponible au niveau des centres et des délégations régionales de Santé.

Tous deux soulignent l’absence de communication officielle du ministère au sujet du traitement et de sa disponibilité. Contactée par TelQuel, la Direction des médicaments et de la pharmacie au ministère de la Santé n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Pourquoi le Ministère a-t-il récupéré les stocks des pharmacies?

La récupération des stocks de chloroquine des officines s’explique aussi par la peur du ministère de la Santé d’une consommation abusive de ce traitement à titre préventif contre le coronavirus, explique Mounir Tadlaoui. Le Haut conseil pour la Santé publique en France a en effet mis en garde, lundi 23 mars, contre l’utilisation de la chloroquine, à l’exception des formes graves hospitalières, sur décision collégiale des médecins et sous surveillance médicale stricte. Une mise en garde qui intervient après l’annonce du décès d’un Américain d’une soixantaine d’années après avoir pris une cuillère à café de chloroquine à titre préventif contre le Covid-19. Sa femme a expliqué à la chaîne NBC news que l’idée de prendre ce médicament lui était venue après avoir vu le président américain vanter ses vertus lors d’un point de presse.