Alors que la barre des 220.000 cas de contamination au Covid-19 est franchie dans le monde, le Maroc a compté, sur les 48 dernières heures, 17 nouveaux cas, portant le total à 61 personnes contaminées.
Le lundi 16 mars, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lançait : “Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez.” Mais qu’en est-il au Maroc ?
Répondre à la “définition de cas”
Pour être éligible au test de dépistage, un citoyen marocain doit répondre à ce que l’on appelle la “définition de cas”. C’est-à-dire les critères établis par le ministère de la Santé et qui font de la personne un cas potentiel.
Quand le coronavirus était encore au stade épidémique, dans des circulaires du ministère de la Santé datées du 27 janvier, la procédure de détection du Covid-19 était annoncée comme suit :
Or “dans les situations de contagion comme celle-ci, la définition de cas évolue tout le temps”, expliquait à TelQuel l’épidémiologiste Youssef Oulhote.
Le ministère décidait alors, le 9 mars, de l’élargir à toute personne “présentant une infection respiratoire aiguë (IRA) et ayant voyagé ou séjourné dans un pays enregistrant une transmission communautaire ou locale du virus, dans les 14 jours précédant l’apparition des symptômes ; ou qui était en contact avec un cas confirmé d’infection par le Covid-19, deux jours avant et pendant que ce dernier était symptomatique”, rapportaient nos confrères de Médias24. Ces profils sont donc éligibles aux tests de dépistage du Covid-19.
Faisons-nous assez de tests ?
Sur les bilans de veille sanitaire publiés quotidiennement par le ministère de la Santé, on voit, au 19 mars, à 15 heures, qu’il y a 61 cas confirmés et 276 personnes testées négatives au Covid-19, laissant supposer que depuis le début de l’épidémie, le Maroc a effectué 337 tests de dépistage.
Contacté, le professeur Kamal Marhoum El Filali, chef de service des maladies infectieuses au CHU Ibn Rochd de Casablanca, nous explique : “Nous ne pouvons pas tester de façon très large, car il n’y a, pour l’instant, quasiment que des cas importés, et les structures ayant la capacité de confirmer l’infection sont encore peu nombreuses. C’est un démarrage avec des possibilités de montée en puissance. Le test nécessite actuellement près de trois heures avant d’obtenir le résultat.”
“Pour l’instant, poursuit-il, rappelons que la quasi-totalité des cas est venue de l’étranger, donc tester la population massivement ne va pas être très rentable. Il faut cependant rester vigilant par rapport à ceux rentrés il y a peu au Maroc.”
Selon le professeur Kamal Marhoum El Filali,“quand vous dépistez, encore faut-il pouvoir trouver les personnes, d’où l’utilisation de la définition du cas possible. Cette définition permet d’identifier les personnes susceptibles d’être contaminées et de les tester. Nous pouvons aussi identifier les personnes à tester en nous basant sur les listes des personnes contacts des patients confirmés Covid-19”.
Que disent les chiffres ?
Pour l’épidémiologiste Youssef Oulhote, enseignant-chercheur en épidémiologie et biostatistique à l’université du Massachusetts, “il faut savoir qu’aucun pays ne peut avoir les bons chiffres, non pas parce qu’ils ne le veulent pas, mais parce que c’est impossible. Les études qui arrivent tous les jours notent que dans les pays qui testent intensivement, à l’instar de la Corée du Sud, le nombre réel de cas contaminés serait estimé à deux fois le nombre de cas déclarés”.
“Ce que fait le Maroc en matière de confinement, c’est vraiment très bien, car les décisions ont été prises tôt. Désormais l’OMS invite à tester massivement, donc je pense que la donne va changer sur le niveau de tests effectués. On le voit aujourd’hui aux États-Unis. Il y a une semaine, il y avait très peu de tests, désormais, ils sont faits en grand nombre”, poursuit-il.
L’épidémiologiste explique ainsi que “le fait que la courbe de contamination ne soit pas exponentielle au Maroc vient très probablement du fait que les mesures de confinement favorisent la prévention, et également que le nombre de tests pour déceler les cas n’est pas généralisé à grande échelle”.
Mais le Maroc n’est pas le seul à ne pas avoir démocratisé les tests à grande échelle. En France, la question se pose également. Dans une interview donnée à BFM, Thierry Leclerc, président de Laborizon Paris, spécialisé dans la biologie médicale, explique qu’ils ne sont pas “en capacité de faire des tests à toute la population française” et qu’il “manque notamment des masques FFP2 pour faire des prélèvements” de manière sécurisée.