Mis en accusation, Donald Trump risque plus que jamais la destitution

Le président américain Donald Trump a été mis en accusation le 18 décembre au soir lors d’un vote au Congrès synonyme de procès en destitution pour l’ex-homme d’affaires, qui a immédiatement dénoncé la “haine” des démocrates.

Par

Jeff Kowalsky/AFP

La Chambre des représentants, dominée par les démocrates, s’est prononcée en faveur de l’impeachment (destitution) du milliardaire républicain de 73 ans, à l’issue d’un débat acrimonieux entre deux camps aux vues irréconciliables, reflétant les profondes divisions de l’Amérique. Il appartiendra désormais au Sénat de juger Donald Trump, sans doute en janvier. Les républicains, qui contrôlent la chambre haute, ont déjà prévenu qu’ils avaient la ferme intention d’acquitter leur président.

Une situation historique

Ce vote, qui intervient à moins d’un an du scrutin présidentiel, est en tout point historique. Seuls deux autres présidents — Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998 — ont vécu une telle mise en accusation. Le républicain Richard Nixon, empêtré dans le scandale du Watergate, avait préféré démissionner en 1974 avant de subir telle avanie.

Dans un spectaculaire télescopage, la décision est tombée au moment même où Donald Trump était à la tribune pour un meeting de campagne à Battle Creek, dans le Michigan, à environ 1 000 km de Washington.

Avant son départ de la Maison-Blanche, ce dernier avait laissé éclater sa colère sur Twitter, assurant n’avoir “rien fait de mal”, et dénonçant “une agression contre l’Amérique”. “C’est tragique, mais les actes irresponsables du président rendent sa mise en accusation nécessaire”, a rétorqué Nancy Pelosi, la chef des démocrates au Congrès. “Il ne nous a pas laissé d’autre choix”, a-t-elle ajouté.

Le 45e président des Etats-Unis, qui entend briguer un deuxième mandat en novembre 2020, était visé par deux articles de mise en accusation — abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès — parce qu’il a demandé à l’Ukraine d’enquêter sur un de ses rivaux potentiels à la présidentielle.

Protéger la démocratie

Le vote a suivi, à une poignée de voix près, de strictes lignes partisanes. Pour les républicains, la procédure de destitution est “une blague absolue”, une “supercherie”, qui ne s’appuie sur “aucun fait” et est motivée par l’aversion des démocrates pour un président qui brise les codes.

Ils ne détestent pas seulement Donald Trump, ils détestent les 63 millions d’Américains qui ont voté pour ce président”, a lancé l’élu républicain Steve Scalise. Faux, ont répondu à l’unisson les parlementaires démocrates. Les poursuites contre le président n’ont rien à voir avec des considérations personnelles ou des divergences politiques, ont-ils assuré. Il s’agit, selon eux, de “protéger la Constitution”, “la démocratie” ou encore “l’Etat de droit” menacés par un président qui se croit “au-dessus des lois” comme “un monarque”.

Un seul point d’accord a émergé entre les deux camps : cette “triste” journée entrera dans les livres d’Histoire.

48 % pour, et autant contre

Le tempétueux président septuagénaire veut transformer cette épreuve en victoire politique. Objectif affiché ? Utiliser cette procédure pour galvaniser sa base et, grâce à la réussite de l’économie américaine, arracher sa réélection dans 11 mois. Il affirme, et les républicains avec lui, que la procédure de destitution est de moins en moins populaire auprès des Américains.

Mais les sondages montrent que les lignes ont peu bougé. Selon une étude NBC News/Wall Street Journal rendue publique quelques heures seulement avant le vote de la chambre basse, 48 % des Américains sont favorables à la destitution de Donald Trump et… 48 % des Américains y sont opposés.

A Battle Creek, dans le Michigan, ses supporteurs affichaient une foi inébranlable dans leur président. “Un homme innocent est en train d’être jugé sur un tas d’absurdités”, regrettait une de ses fans Wendy Timmerman. “Je n’ai aucun doute : c’est une escroquerie !”, renchérissait un autre, Joe Bontrager.

Le chantage de trop

Mais pour les démocrates, l’ancien homme d’affaires a trahi le serment de sa fonction. “Il était prêt à sacrifier notre sécurité nationale […] pour améliorer ses chances de réélection”, a accusé Adam Schiff, qui a supervisé l’enquête contre le milliardaire républicain. “Il a essayé de tricher et il a été pris”, a-t-il ajouté depuis la tribune, en assurant que “le danger persistait”.

En cause, un chantage auquel Donald Trump et quelques-uns de ses proches auraient soumis le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le 25 juillet, un échange téléphonique entre les deux dirigeants met le feu aux poudres. Donald Trump demande à ce président novice en politique, en proie à un conflit armé avec la Russie, d’annoncer une enquête anticorruption contre le démocrate Joe Biden et son fils Hunter, ex-membre du conseil d’administration d’une entreprise gazière ukrainienne. Ancien vice-président, Joe Biden mène la danse dans la primaire démocrate pour l’élection présidentielle, et apparaît comme l’adversaire le plus dangereux pour le sortant républicain.

Un faisceau d’informations concordantes et de témoignages semble de plus attester qu’un lien avait été établi entre une annonce éventuelle de ces investigations et le déboursement d’une aide militaire américaine pour l’Ukraine.

 

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