Moins d’une semaine après la diffusion de la vidéo du semsar (intermédiaire), l’affaire Touria est entre les mains de la justice. Quatre personnes ont déjà été déférées devant le tribunal de première instance de Casablanca, dont le principal concerné, a annoncé le procureur du roi dans un communiqué diffusé lundi 18 novembre.
Réduction de peine sur demande
Dans la vidéo, l’homme qui parle au téléphone à bord d’une voiture semble négocier avec les filles d’une femme du nom de Touria, détenue dans une prison à Casablanca, le prix à payer pour que celle-ci bénéficie d’une réduction de peine. “Vous allez voir. Le jugement sera prononcé entre 14 heures et 14 heures 30. On voulait la condamner à huit mois, mais j’ai pu limiter la peine à deux mois”, assure-t-il à l’une des filles de la détenue dans la vidéo rendue publique le 14 novembre.
“Elle a passé 20 jours en prison, il lui en restera 40. Je voulais confirmer avec toi avant de faire quoi que ce soit. Réfléchis, c’est un dossier lourd. Je n’ai encore rien fait pour l’instant. […] Tu as jusqu’à 13 heures 30 pour décider”, poursuit-il, avant de demander aux filles d’appeler leur mère, Touria. Une demande d’autant plus étonnante que la prisonnière n’est pas censée avoir un téléphone portable à l’intérieur de la prison. Pourtant, à en croire les images, l’appel s’est fait aisément.
“Allo maman, il te dit qu’il peut t’arranger une peine de deux mois”, lui dit la fille. Celle-ci passe le téléphone ensuite au semsar pour prendre le relais. “Ecoute Touria, le dossier est contre toi. Tu as déjà avoué à la police. On n’a encore rien fait jusqu’à présent. Je suis là pour consulter tes filles. Arrête de pleurer, il n’y a pas de temps pour ça. Wafaâ m’a donné 3 millions et demi [de centimes, soit 35 000 dirhams] et non quatre millions et demi. J’aurais aimé faire en sorte que tu sois libérée dès à présent, mais ce n’est pas possible”, ajoute l’homme.
“Ecoute-moi Touria, regarde la gravité du problème pour lequel tu dois être jugée. Je vais appeler le monsieur de mon côté pour voir s’il y a d’autres solutions”, lui promet-il. Il reprend ensuite son téléphone pour appeler son contact dans le tribunal et négocier de nouveau la peine. L’affaire, qui laisse entendre que la négociation de peines en contrepartie d’argent est chose courante, a choqué l’opinion publique.
Un escroc recherché
La justice s’est rapidement saisie du dossier. Au lendemain de la diffusion de la vidéo, le procureur du roi près le tribunal de première instance de Casablanca a annoncé l’arrestation du semsar. “Les éléments de la police judiciaire de Casablanca ont réussi, sous la supervision directe du parquet compétent, à arrêter cette personne après l’avoir identifiée, et ce suite à la publication de la vidéo précitée sur les réseaux sociaux jeudi”, indique un communiqué du ministère public. Selon ce dernier, l’homme “faisait l’objet de deux mandats de recherche nationaux pour son implication dans une affaire d’escroquerie”.
La prison locale Ain Sebaâ 2 où est détenue Touria a également réagi. Dans un communiqué publié le 17 novembre, la direction de l’établissement pénitentiaire indique qu’elle “a réussi, après enquête, à identifier la détenue en question qui a affirmé avoir été victime d’une opération d’escroquerie de la part de l’individu qui apparaît sur la vidéo”.
“Après la fouille de la concernée et de sa cellule, aucun téléphone portable n’a été retrouvé”, explique l’établissement. Selon la direction, Touria a affirmé “avoir profité de sa présence dans la cellule dédiée au déferrement des prévenus au tribunal pour effectuer, depuis le téléphone portable d’un individu, l’appel téléphonique visible sur la vidéo publiée sur Internet”. Le lendemain, c’est le procureur du roi qui revient à la charge avec de nouveaux éléments.
Deux policiers impliqués
Ce dernier annonce d’abord que quatre personnes ont déjà été déférées devant le tribunal de première instance de Casablanca “sur fond de l’arrestation de la personne parue dans une vidéo en train de négocier avec une femme, pour intervenir en faveur de sa mère détenue en prison afin d’obtenir une peine atténuée en contrepartie d’une somme d’argent”. Le semsar, lui, était recherché dans une “affaire d’escroquerie où il a prétendu être procureur du roi”, précise-t-on.
On apprend aussi que l’homme avait déjà été condamné pour des “actes similaires d’escroquerie”. De plus, l’enquête “n’a fait ressortir aucun lien entre la personne qui apparaît sur la vidéo et l’instance judiciaire qui a émis le jugement dans l’affaire de cette détenue”, assure le procureur du roi dans son communiqué. Selon lui, le semsar a plutôt “profité de ses liens avec un élément de la police travaillant au tribunal pour prendre contact avec la concernée, qui était en détention provisoire, depuis un téléphone de police”.
Le semsar était également ami avec un autre fonctionnaire de police. Ce dernier est lui aussi suspecté “de lui avoir demandé de faire profil bas après avoir vu la vidéo”. Un autre individu a été arrêté pour sa “complicité présumée dans ces actes d’escroquerie”, indique encore le procureur du roi, sans donner plus de détails.
Les investigations sont toujours en cours pour déterminer d’éventuels nouveaux complices. Les quatre mis en cause déférés devant le tribunal sont poursuivis pour “des délits d’escroquerie, d’usurpation d’identité et de collusion pour échapper à l’enquête et à l’arrestation”, conclut le procureur du roi.
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