150 millions. C’est le nombre de touristes chinois quittant chaque année l’Empire du Milieu pour visiter d’autres contrées. Une véritable manne touristique dont souhaite profiter le Maroc, en témoigne la récente annonce de Royal Air Maroc. La compagnie aérienne nationale a ainsi révélé en début de semaine qu’elle lancerait un vol reliant Casablanca à Pékin en 2020.
La desserte sera effectuée trois fois par semaine par les Boieng Dreamliner de la RAM. En parallèle, l’Office national marocain du tourisme (ONMT) a lancé une véritable opération séduction auprès des opérateurs touristiques chinois en vue de se positionner sur un marché en plein boom.
Marché en expansion
A partir de janvier 2020, il sera donc possible de rallier directement Pékin depuis Casablanca en 13 heures. Ce vol renforcera la présence de la RAM sur un marché asiatique où la compagnie se fait discrète. “Tant attendue, cette nouvelle route aérienne contribuera, à coup sûr, au développement de la destination Maroc auprès du premier marché émetteur mondial de touristes”, annonçait Abdelhamid Addou, président-directeur général de la RAM dans le communiqué de presse sur l’ouverture de la liaison Casablanca-Pékin.
La nouvelle ligne aérienne représente une manne touristique importante, mais également “une facilitation des relations économiques” entre les deux pays, nous explique Samir Kheldouni Sahraoui, ancien dirigeant de l’ONMT. Des propos qui font écho à ceux accordés par l’actuel patron de l’ONMT, Adel El Fakir, à Médias24 . Pour ce dernier, “l’ouverture prochaine d’une ligne directe va permettre d’augmenter très sensiblement le nombre d’arrivées de touristes et d’hommes d’affaires chinois aux frontières”.
Surtout que les citoyens chinois disposent depuis 2016, d’une exemption de visa pour pouvoir entrer sur le territoire marocain. “Nous sommes passés de 16.000 touristes chinois au Maroc en 2015 à près de 130.000 aujourd’hui”, affirme le directeur opérationnel de l’ONMT, Hatim El Gharbi.
Ce véritable boom touristique a entraîné, côté marocain, une mutation du secteur touristique. “Il y a quelques années, nous avions beaucoup de mal à convier nos partenaires et tour-opérateurs marocains à rencontrer le marché chinois. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus emmener tous les demandeurs professionnels du tourisme marocain avec nous en Chine”, poursuit El Gharbi.
Partenariat et exotisme
Le 6 septembre dernier, Adel El Fakir signait un partenariat avec le géant des tour-opérateurs chinois, C Trip. La firme basée à Shanghaï revendique 100 millions de membres actifs profitant de ses services en ligne de réservation de packs de voyages et d’achats de billets d’avion. L’objectif de cette alliance est basé sur le développement du comarketing. Il est notamment question de donner le maximum de visibilité au Maroc dans les destinations proposées aux voyageurs chinois. Le partenariat a été conclu pour une durée de trois ans. “L’objectif, à terme, étant d’accueillir quelque 500.000 touristes chinois par an”, déclarait alors le patron de l’ONMT.
Un chiffre ambitieux qui sera probablement “atteint ou dépassé d’ici 2022”, nous apprend Hatim El Gharbi. En effet, si la levée des visas a joué un rôle majeur dans la hausse exponentielle de l’arrivée des touristes chinois au Maroc, le Royaume y jouit également d’une bonne image renforcée par la visite de certaines célébrités. “Priscilla Chan, la femme de Mark Zuckerberg, est venue il y a quelque temps au Maroc, et avait expliqué qu’elle avait adoré le pays. Les réactions ont été immédiates”, assure Hatim El Gharbi.
Besoin de s’adapter
“Le pays correspond à l’image exotique que les Chinois recherchent pour leurs vacances”, poursuit le directeur opérationnel de l’ONMT. Cependant, miser sur une grande visibilité pour attirer les touristes signifie s’adapter pour ne pas décevoir, et c’est justement là que réside le challenge pour le secteur touristique marocain.
“Le touriste chinois n’est pas seulement une poule aux œufs d’or pour le Maroc, mais pour le monde entier. Cette nouvelle est réjouissante, mais il va falloir aligner l’offre pour ne pas décevoir et perdre cette clientèle”, prévient Samir Kheldouni Sahraoui, président de Chorus Consulting.
Cette clientèle qui représente 150 millions de touristes à travers le monde est très diversifiée. Ce qui signifie, selon l’ancien responsable de l’ONMT, que les opérateurs touristiques devront choisir la cible qu’ils souhaitent séduire. “Il faut voir quelle classe sociale on désire capter. Cela va du multimillionnaire chinois avec beaucoup de ressources et de devises au citoyen de la classe moyenne. Pour ma part, je milite pour moins de volume et plus de recettes”, poursuit notre interlocuteur.
Si les possibilités d’offre touristique sont pléthoriques, les opérateurs ne devront toutefois pas ignorer les spécificités liées au tourisme chinois : “le touriste chinois a des désirs particuliers. S’il aime découvrir la culture locale, il est néanmoins très désireux de pouvoir manger de la nourriture chinoise régulièrement. Il faudrait que les lieux touristiques soient équipés avec des infrastructures où le mandarin est présent et où le personnel a des aptitudes à échanger avec les clients”, précise Samir Kheldouni.
Une nécessité quand on sait que le nombre de touristes chinois dans le monde croît à une allure de 6 à 12% par an et qu’ils ont dépensé 261 milliards de dollars sur l’année 2017. En août 2018, l’agence de presse chinoise Xinhua annonçait que “les dépenses moyennes atteignent 2.100 dirhams par personne, loin devant les dépenses des autres touristes étrangers, qui représentent en moyenne 1.500 dirhams”.