Communauté juive marocaine cherche désespérément Grand rabbin. Poste à pourvoir avant le Yom Kippour, en octobre. Après le décès en août 2018 du Grand rabbin du Maroc Aaron Monsonego qui occupait la fonction depuis 1998, le Conseil des communautés israélites du Maroc (CCIM) “s’est évertué à susciter des candidatures de grands rabbins aptes à assumer les responsabilités de Grand rabbin du Maroc”, déclare Serge Berdugo, président de la CCIM.
Sur instructions royales, le ministère de l’Intérieur avait annoncé, le 20 avril dernier, qu’il était chargé d’organiser les élections des instances représentatives des communautés israélites marocaines et de veiller au renouvellement périodique de ces instances. Ils seraient aujourd’hui six candidats en lice, tous “résidents permanents marocains” et “de haute voltige”, insiste Serge Berdugo.
Qu’est-ce qui fait un bon Grand rabbin ? “Le charisme, une connaissance talmudique infaillible, une notoriété à l’internationale et l’habitude de conduire une communauté spirituelle”, résume le président du CCIM. Le prochain guide devra également être “une personne consensuelle”, répète-t-il à maintes reprises.
Dans la communauté, certains s’inquiètent de voir le nom de Yoshiyahu Pinto – nommé Av Beth Din (président du tribunal rabbinique) en avril dernier – cité parmi les candidats. Pour rappel, ce rabbin kabbaliste multimillionnaire avait initialement été présenté comme le Grand rabbin du Maroc avant que sa nomination à la présidence du tribunal rabbinique soit annoncée.
“Nous avons eu des échos inquiétants concernant la tentative de présenter à Sa Majesté le roi Mohamed VI, que Dieu le protège, le rabbin Yoshiyahu Pinto pour ce poste très important pour notre communauté”, indique une pétition signée par près de 300 personnes, lancée par le groupe Engagement et renouveau de la communauté juive de Casablanca, à destination du Cabinet royal. “Il est Israélien, ne parle pas l’arabe, n’est pas dayan (le dayan est le juge d’un tribunal rabbinique Beth Din, NDLR). De plus, Y. Pinto a un passé difficile avec des enquêtes pour corruption en Israël et aux Etats-Unis. Il vient de purger une peine de prison d’un an en Israël et a de nombreux problèmes de santé. Le fait qu’il postule à ce poste nous parait illogique, et le fait qu’il soit parrainé par Mr Berdugo juste avant les élections de la communauté juive du Maroc ordonnées par Sa Majesté (…) nous inquiète”, peut-on lire dans cette pétition.
Le maillot jaune : Joseph Israël
Serge Berdugo rétorque : “Il n’a jamais été question de nommer Pinto ! Il voulait simplement créer une Yeshiva (centre d’étude de la torah, NDLR) ici, au Maroc, sur la base de rites marocains et non ashkénazes. Il a déjà une vingtaine d’élèves et en aura soixante-dix d’ici la fin de l’année. Il s’occupe de la Yeshiva, de la Cacheroute (code alimentaire, NDLR) et de bains rituels, c’est tout”.
Selon le dahir de 1945, l’organisation de ces élections revient à un comité de sages composé de personnalités respectées de la communauté qui ne seront pas candidates. “Les comités de communautés israélites marocaines sont composés du président du tribunal rabbinique ou du rabbin délégué local et de notables israélites d’origine marocaine, désignés après une consultation au scrutin secret organisée sous le contrôle des autorités administratives locales”, dispose le texte.
Entre 1967 et 1977, le Maroc n’a pas connu de Grand rabbin, sa fonction étant assumée par le président du haut tribunal rabbinique. Aujourd’hui, les mandats sont divisés. “C’est une spécificité marocaine, explique Serge Berdugo. Ici, le Grand rabbin ne s’occupe que des problèmes d’ordre spirituel”. Dans d’autres pays, le Grand rabbin est aussi habilité à présider le tribunal rabbinique. Serge Berdugo nous confirme : Yoshiyahu Pinto ne sera pas Grand rabbin du Maroc, puisqu’il occupe déjà la charge d’Av Beth Din.
C’est Joseph Israël qui est pressenti pour le poste de Grand rabbin du Maroc. “Celui-ci remplit les conditions nécessaires pour nous accompagner dans les années qui viennent, déclarent les signataires de la pétition. Il connait sa communauté dans les moindres détails. Sa réputation d’intégrité le précède chez nos coreligionnaires et auprès de nos frères musulmans marocains. Il perpétue la tradition de nos grands tsaddikim en étant modeste, disponible, érudit et doué de grandes qualités humaines, d’écoute, et de réconfort”. Depuis le départ du Grand rabbin du Maroc Aaron Monsonego pour Jérusalem fin 2010, c’est lui qui représente officieusement la communauté spirituelle juive marocaine, notamment lors des célébrations de la fête du trône pour présenter les vœux de la communauté au souverain. “Il a toute mon estime, je l’apprécie beaucoup”, confie Serge Berdugo.