Deux ans avant 2021, le RNI mise sur la carte MRE

Le 24 juin, lors de la séance mensuelle de questions orales à la Chambre des représentants, Saâd Eddine El Othmani a été interpellé sur l'implication des MRE dans la politique marocaine. Sa réponse vague contraste avec les intentions politiques d'autres partis... comme le RNI.

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Meeting du RNI à Dusseldorf en Allemagne. Crédit: Facebook/ RNI

A l’occasion de la célébration du 30e anniversaire de la Marche verte, le 6 novembre 2006, dans un discours historique, le roi Mohammed VI accordait aux Marocains résidant à l’étranger le droit de vote et le droit de se porter candidats aux élections marocaines. Un soulagement pour toute une communauté. En 2011, la nouvelle Constitution confirmait la décision du souverain dans son article 17 en vertu duquel : “Les Marocains résidant à l’étranger jouissent des droits de pleine citoyenneté, y compris le droit d’être électeurs et éligibles. Ils peuvent se porter candidats aux élections au niveau des listes et des circonscriptions électorales locales, régionales et nationales. La loi fixe les critères spécifiques d’éligibilité et d’incompatibilité. Elle détermine, de même, les conditions et les modalités de l’exercice effectif du droit de vote et de candidature à partir des pays de résidence”.

Huit ans plus tard, le cadre juridique de cet article traîne toujours. Et à ce jour aucune loi relative au vote des MRE n’a été adoptée par le parlement. À deux ans des élections législatives de 2021, la question est à nouveau d’actualité : les MRE voteront-ils cette fois ?

El Othmani : D’accord… mais pas maintenant

Le 24 juin, lors de la séance plénière mensuelle de questions orales à la Chambre des représentants, le chef du gouvernement Saâd Eddine El Othmani a été interpellé par les groupes parlementaires de l’Istiqlal, du PAM et de l’USFP sur la question. Ces derniers ont insisté sur l’urgence de mettre un système qui garantira la participation effective des MRE dans l’univers politique marocain, alors que l’échéance 2021 arrive à grands pas.

Oui, je suis pour la participation politique des MRE. Mais, la question ne sera pas débattue maintenant,” a répondu le chef du gouvernement aux parlementairesIl faut attendre jusqu’à 2021. Nous aborderons ensuite ce sujet lors de l’examen du projet de loi sur le code électoral,” a souligné le chef de l’exécutif.

Alors que le parti au pouvoir préfère attendre, à en croire son secrétaire général, d’autres partis ne cachent pas leurs intentions de faire de la “13e région”, un appui de taille dans les urnes. Depuis quelques mois, le Rassemblement national des Indépendants (RNI) multiplie d’ailleurs les meetings avec les Marocains résidents à l’étranger.

La 13e région du RNI

Si les textes d’application de ce principe constitutionnel tardent à voir le jour, le RNI s’active, lui, pour se rapprocher de ce vivier électoral qui pèserait un peu plus de 5 millions de voix. Ainsi, et après avoir rencontré les Marocains résidant en Espagne lors d’un congrès à Madrid, puis les Marocains d’Allemagne lors d’un meeting à Dusseldorf, le parti de la colombe a annoncé le 1er juillet l’ouverture d’un bureau exécutif à Montréal.

Une ouverture qui s’inscrit dans la continuité de la “politique d’écoute” du RNI, comme nous l’explique Anis Birou, membre du bureau politique du RNI et coordinateur de la “13e région”. Il estime que “le temps où les MRE n’étaient pas impliqués dans le paysage politique marocain, c’est de l’histoire ancienne”.“Nous avons trouvé des jeunes de toutes les catégories socioprofessionnelles qui s’intéressent à la politique de leur pays d’origine. Ils veulent être impliqués,” poursuit Anis Birou. Et d’ajouter : “Notre parti remplit une vieille attente d’une communauté qui a un énorme potentiel”.

Ce rapprochement avec les MRE nous permet de découvrir des pistes nouvelles et d’identifier les besoins de cette communauté,” confie-t-il encore, refusant en revanche de se prononcer sur un éventuel agenda pour l’adoption d’un décret d’application de l’article 17 de la Constitution qui permettrait aux MRE de voter lors des prochaines élections. Il affirme néanmoins que son parti “souhaite une implication politique plus importante des MRE”.

En juin dernier, lors d’un meeting organisé par son parti en Allemagne, le président du RNI Aziz Akhannouch dévoilait ses intentions en déclarant publiquement qu’il est “urgent et nécessaire que les MRE participent activement à la prise de décision dans leur pays d’origine”. L’actuel ministre de l’Agriculture en profitait pour faire l’éloge de cette diaspora, estimant que ces Marocains constituent “un fief de hautes compétences”. A deux ans des élections législatives de 2021, le RNI est le seul parti à avoir organisé des meetings politiques à l’étranger.

Retour vers le futur

Bien avant le discours prononcé en 2006 par le roi Mohammed VI, les MRE ont déjà pu voter depuis leur pays de résidence. De 1984 à 1993, les Marocains résidant à l’étranger bénéficiaient même d’une représentation parlementaire.

A cette époque, cinq députés représentaient cinq circonscriptions étrangères : France Nord, France Sud, Belgique, Europe du Nord-Est, Moyen-Orient et “Autres pays”. Les conditions relatives aux dépôts de candidatures avaient été fixées par un dahir du 27 janvier 1984, signé par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Driss Basri. L’USFP avait triomphé à Paris grâce à Akka Ghazi. Marzouk Ahaidar de l’Union Constitutionnelle (UC) avait gagné à Bruxelles, tandis que Abdelhamid Naïm (RNI) avait gagné à Tunis et Brahim Berbach du Parti du centre social (PCS) avait réussi à faire pencher la balance de son côté à Lyon. Ces élus étaient alors chargés de représenter les quelque 2 millions de Marocains résidant à l’étranger d’alors.

Un autre élu, en la personne de l’Istiqlalien Rachid Lahlou devait lui représenter les communautés marocaines établies sur trois continents. D’une part, les Marocains établis en Espagne, au Royaume-Uni et en Italie et d’autre part les Marocains vivant en Amérique du nord, en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne. Basé à Tunis, Abdelhamid Naïm était l’unique représentant des Marocains du monde arabe.

Mais les MRE seront vite dessaisis de leur représentation au sein de l’hémicycle. En 1993, deux ans après la création du ministère délégué auprès du Premier ministre chargé des Affaires de la communauté marocaine à l’étranger, les circonscriptions des MRE ont été supprimées, sans véritable motif. Il a fallu attendre 4 ans pour que Driss Basri justifie en 1997 cette décision par “des raisons sécuritaires liées à l’ordre public dans les pays d’accueil”.