Alaa Salah, emblème de la révolution soudanaise: “Pacifiques, nous réclamons nos droits”

Devenue symbole malgré elle de la révolution soudanaise, Alaa Salah est arrivée ce vendredi 28 juin à Marrakech au sommet Women In Africa (WIA). Le combat pour la liberté de son pays n’est pas terminé, a-t-elle expliqué à TelQuel.

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Alaa Safah, ce vendredi 28 juin au Women in Africa 2019 à Marrakech Crédit: Jeanne Fourneau / TelQuel

Activiste et symbole. Alors que son voyage pour le Maroc s’est déroulé sans difficulté, Alaa déplore d’emblée le climat insécuritaire de son pays, le Soudan. Elle martèle : « notre première revendication, la plus urgente, est de transmettre le pouvoir au gouvernement civile. Il fera ensuite ce qu’il y a à faire ».  La république soudanaise est actuellement dirigée par les forces armées qui ont remplacé le 11 avril dernier Omar el-Bechir, à la tête du pays depuis 30 ans.

Lancée en décembre 2018 par des manifestations étudiantes où Alaa prend part, la révolution soudanaise commence en réaction aux nouvelles mesures d’austérité mises en place par le gouvernement d’el-Béchir, qui haussaient le prix du pain et du carburant. Durant deux mois devant le QG des généraux, un sit-in à Khartoum s’est tenu nuit et jour. Le 3 juin, il a été sévèrement « dispersé », faisant une centaine de morts et 500 blessés, selon un comité de médecins proche de la contestation. « Nous n’avions demandé que des droits basiques, et de manière pacifique. Aujourd’hui le gouvernement a du sang sur les mains », explique la jeune femme de 22 ans étudiante en architecture.

« Les gens sont prêts a tout sacrifier. Il n’y a pas plus important que la vie, et certains ont déjà sacrifié la leur pour la revendication de nos droits ». Depuis le 3 juin, la situation semble pourtant figée. Par ses actions, l’Union africaine (UA) rejoint les volontés de l’activiste et du peuple soudanais, retirant le Soudan de toute activités de l’union « jusqu’à la mise en place effective d’une autorité civile de transition ». L’Éthopie et l’UA sont actuellement sur place en pourparlers. « Notre seconde revendication, c’est de traduire en justice tous ceux qui ont du sang sur les mains : les responsables des massacres commis lors de la révolution, mais aussi ceux qui appartiennent à l’ancien régime et qui sont impliqués dans des malversations ou des exactions contre le peuple soudanais ». Les étudiants sont encore très actifs : « les écoles ont rouvert, mais nous avons décidé de ne pas reprendre les cours, avec le slogan [littéralement traduit] ‘on ne va pas monter l’échelle de l’éducation sur le sang des martyrs’ ».

La responsabilité d’un symbole

Mondialement connue par une photographie publiée sur les réseaux sociaux puis par des videos où elle fait chanter la foule, la militante n’a pas voulu « être le symbole » de la révolution : « j’ai répondu à l’appel du pays ». La première publication virale la montrait réciter un poème révolutionnaire en pleine manifestation juchée sur le toit d’une voiture, vêtue d’une tenue blanche traditionnelle, « faisant honneur aux reines nubiennes ». Selon la BBC, 70% des manifestants actuels au Soudan seraient des femmes. Alaa a été élevée dans une famille activiste, « où l’on aime son pays ». Elle est aujourd’hui au Maroc aux côtés de femmes africaines influentes et actives, venues à Marrakech pour le WIA 2019.

Alaa Salah, le 10 avril à Khartoum.Crédit: AFP

Lorsqu’on lui demande si elle est soutenue par sa famille, un large sourire apparaît sur son visage. « J’ai été soutenue dès le début », précise-t-elle. « Dès que la situation se stabilise et qu’il y aura un gouvernement civile en place, je rejoindrai l’université et reprendrai mes études d’architecture. Mais je me tiendrai prête et disposée à mener toute mission pour aider le Soudan à avancer ». Et de conclure : « Il faut demander ses droits avec force, mais de façon pacifique ».

À la fin de l’entretien, Alaa indique à TelQuel espérer pouvoir lire notre article avant son retour au Soudan : sur place, la coupure quasi totale d’Internet est toujours en cours.

Selfie de clôture pour Hafsat Abiola (présidente du WIA 2019), Alaa Salah invitée d’honneur, Aude de Thuin, fondatrice de l’événement et le traducteur d’Alaa.