Majorité: Le PPS (re)brandit la carte de la sortie

Lors de la 4e session ordinaire du comité central du Parti du progrès et du socialisme, le 4 mai à Rabat, le secrétaire général du parti s’est livré à une critique frontale de la coalition gouvernementale, allant jusqu’à l’annonce d’une probable sortie du PPS. Une déclaration fortement critiquée par le Chef de l’Exécutif.

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De g.à droite: Souhail, Othmani, Benabdellah et Naciri. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

L’alliance politique entre le PJD et le PPS se fragilise davantage. Lors de la 4e session ordinaire du comité central du Parti du progrès et du socialisme (PPS), le samedi 4 mai à Rabat, le secrétaire général du parti du Livre s’est livré à une analyse critique de la coalition gouvernementale. Pour le parti de gauche, les partenaires politiques doivent « orienter tout leur intérêt pour se pencher sur le traitement des dossiers et des questions fondamentales qui retiennent l’attention du pays et des citoyens », au lieu de « se préoccuper de la course politicienne avec des méthodes qui aggravent la confusion et le recul de la confiance dans les institutions et approfondissent le fossé du vide qui se traduit par des expressions spontanées qui cachent de véritables dangers », rapporte le communiqué final de cette session. Une analyse qui n’a pas été du goût du chef du gouvernement pjdiste Saâd Eddine El Othmani.

Un processus démocratique en marche

Lors de son allocution, Mohamed Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS, a indiqué que cette 4e session « vise à intensifier l’action du parti, élever son rendement et ses performances et renforcer ses positions ». Ceci passe d’abord par une analyse méticuleuse de l’action gouvernementale et du processus démocratique dans le pays. Ce dernier « a connu une dynamique remarquable qui s’est traduite par la réalisation d’acquis aux niveaux politiques, social, institutionnel et des droits humains », souligne Nabil Benabdellah pour qui ces réalisations sont le fruit « de la conjugaison des efforts du roi et des forces vives nationales, démocratiques, et de la convergence de leurs volontés ».  

Pour faire avancer ce processus, le PPS appelle à une mise au point sur la situation actuelle, notamment « en ce qui concerne les réalisations accomplies dans la perspective du parachèvement de la marche de l’édification et des réformes en insufflant un souffle démocratique nouveau dans la vie nationale », souligne le SG. Il a également appelé ses partenaires politiques à « mettre en œuvre un nouveau modèle de développement ambitieux », mais aussi à « élaborer des alternatives susceptibles de donner une forte impulsion aux projets de réformes, de démocratisation, de modernisation et du développement ».

Des efforts insuffisants

Tout en félicitant les différents acteurs sociaux et politiques pour le dernier accord social, conclu le 25 avril dernier, le SG du PPS n’a pas mâché ses mots quant à la situation nationale globale. Pour lui, « la confusion, le flou, le manque de clarté, l’inquiétude et l’attentisme » dominent toujours cette situation. Pis, les quelques initiatives prises par l’Exécutif ne « parviennent pas à faire le poids face à l’énormité du vide et l’immobilisme du climat général ». Elles sont également « incapables de faire bouger la situation et de dissiper les craintes et les interrogations dans les différents milieux et chez de larges couches et classes », martèle Nabil Benabdellah.

Pour mieux appuyer cette réflexion, le rapport de cette 4e session du comité central du PPS fait appel à la vox populi. « Pour la plus grande partie de l’opinion publique les dossiers des grandes réformes sont presque en panne en raison de divers désaccords qui ont commencé à manifester récemment de manière aussi bien normale qu’intentionnelle, étant donné qu’ils ont fait l’objet d’une utilisation politicienne de la part de certaines parties sensées être des partenaires », explique le rapport. Pour le PPS, ceci « aggrave la crise et la confusion de la situation et fait diminuer à son bas niveau le débit d’espoir de trouver des solutions aux problèmes et aux dossiers sociaux qui se posent et, encore moins, à procéder à leur mise en œuvre de manière solidaire, engagée et cohérente ».

PPS en lanceur d’alertes

Pour Nabil Benabdellah, le gouvernement, dont fait partie le PPS, « doit être fidèle à son programme et tenu d’être plus productif et efficient ». Ainsi, toute autre action constitue, pour le parti, une mésestime inadmissible des intérêts du pays et du peuple. « C’est en procédant à des surenchères stériles que le gouvernement perd le contact et la communication avec la population et les institutions et que les grandes réformes, le temps et les efforts se perdent au même titre que les espoirs et les aspirations du peuple », regrette le SG du parti.

Dans ce cadre, le parti estime nécessaire d’exercer son droit d’attirer l’attention sur les risques qu’encourt la majorité gouvernementale. « Il ne vise pas à l’affaiblir ou en mésestimer les efforts ou à les minimiser », insiste Nabil Benabdelllah, « ce qui importe pour le PPS ce sont la crédibilité des institutions et la réussite du gouvernement », poursuit-il.

« C’est donc en toute franchise, responsabilité et indépendance que le PPS procède à ces critiques positives », explique le SG, tout en rappelant que le Parti du Livre « agit de la sorte dans l’intérêt du pays et du peuple » et que « les calculs politiques ne doivent pas être au-dessus de l’intérêt du pays et des aspirations des citoyennes et citoyens. Il a également appelé, dans « un climat négatif et l’asphyxie de l’espace politique national qui en résulte », à donner « un souffle démocratique nouveau », pour lutter contre « le vide qui s’agrandit de jour en jour et constitue un grand danger qui menace le processus des réformes au Maroc », ajoute Nabil Benabdellah.

El Othmani réplique 

Face à cette situation « d’embarras et de déconsidération politique », le PPS s’est montré déterminé à poursuivre « son œuvre sérieuse pour la dépasser », aussi bien à travers sa position gouvernementale ou à partir d’une « autre position à déterminer sur la base du degré d’efficience et des progrès de gouvernement dans la réalisation des projets de réformes fondamentales », lit-on dans le communiqué du parti.

Le PPS, qui pointe du doigt le manque de cohésion de la coalition gouvernementale, n’exclut donc pas la possibilité de passer dans l’opposition si les choses « ne s’améliorent pas ». Rappelons, dans ce sens, que le parti du Livre avait déjà menacé de quitter la coalition gouvernementale après la suppression du secrétariat d’Etat chargé de l’Eau et le limogeage de Charafat Afailal qui était titulaire du poste, une décision prise sans que le secrétariat général du PPS n’en soit informé.

Le message du secrétaire général du PPS a été vite décrypté par le Chef de l’Exécutif, Saad Eddine El Othmani : « Qui veut rester au gouvernement est le bienvenu. Et qui veut le quitter, c’est à lui que revient cette décision, mais qu’il agisse sans zizanie », réplique-t-il lors d’une réunion des militants du PJD tenue le lendeamain dimanche 5 mai dans la région du Drâa-Tafilalet. « Certains, bien qu’ils fassent partie du gouvernement, critiquent son action. C’est incompréhensible. », martèle le secrétaire général du PJD comme s’il entrevoyait lui aussi la fin d’une alliance politique fortement défendue par l’ancien premier homme du parti de la Lampe, Abdelilah Benkirane.

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