Rachat de Sochepress: pourquoi un monopole pour distribuer les journaux au Maroc ?

Le géant Sochepress a été racheté par Edito Ventures, un nouveau  fonds d’investissement d'Upline Group, tenu par des acteurs institutionnels marocains et qui détenait déjà Sapress. A l'issue de cette fusion, la distribution de la presse au Maroc devient donc un monopole, censé “garantir la qualité de la presse et de sa distribution”.

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Journaux
Yassine Toumi / TelQuel

Un rapprochement qui donne le ton. « Les distributeurs de presse sont déficitaires. Si l’on veut continuer cette sorte de service public, c’est-à-dire garantir que tous les quotidiens soient dans les kiosques à 8 heures du matin aux quatre coins du pays, nous avons besoin de mutualiser les coûts », explique Amine Benchekri, directeur général de Sapress.

Ainsi, les deux distributeurs de presse du Royaume ne feront plus qu’un après l’absorption de Sochepress par Sapress. TelQuel annonçait déjà le 16 mars qu’Upline Group, la banque d’investissement du Groupe Banque populaire, avait mis la main sur 80% du capital de Sochepress, dont 20% restent pour l’heure entre les mains du Français Presstalis. Un communiqué rendu public le 20 mars vient apporter des précisions. 

C’est en fait une entité dénommée Edito Ventures – dans le giron d’Upline – qui a acquis Sochepress, leader de la distribution de presse et de livres au Maroc. Inconnu au bataillon, Edito Ventures est selon un communiqué conjoint de Sochepress et Sapress, un “fonds d’investissement souscrit par des acteurs institutionnels marocains ayant vocation à investir dans le secteur de la distribution, de la culture et de l’éducation”. Il détient donc désormais 80 % des parts de Sochepress en plus des 100 % de Sapress. « Mais c’est une situation à très court terme », nous confie Amine Benchekri. « Presstalis, qui détient encore 20 % de Sochepress, se retirera rapidement, le temps de stabiliser le rapprochement. » 

Cette convergence capitalistique et opérationnelle a plusieurs objectifs, dans un contexte marqué par la crise de la presse papier et du renchérissement des coûts de production. D’abord, maintenir la disponibilité de la presse auprès des lecteurs sur tout le pays : « La distribution de la presse est très coûteuse. Nous ne sommes pas payés à la prestation, mais sur la commission de vente », explique Amine Benchekri. Qui dit rachat dit baisse des charges fixes (frais de structure, amortissement de la flotte, des assurances et taxes…).

Ce rapprochement permet également aux éditeurs de bénéficier de la synergie des deux réseaux de distribution en termes de couverture géographique et de distribution numérique. « Nous allons pouvoir commercer avec les points de vente en dehors de la presse. Par exemple, développer les lignes de cahiers scolaires, de fournitures… » Car l’ADN de Sochepress, créée en 1924, c’est justement l’édition et la distribution de livres et manuels scolaires. Une mutualisation des compétences et des réseaux en pleine opération de révision des manuels et des programmes scolaires. 

À quand le public au secours du secteur ?

Le groupe Edito Ventures assure « soutenir le développement de ses activités dans les métiers stratégiques des services de la logistique pour le marché marocain à travers un réseau logistique très performant implanté dans 23 villes du Royaume depuis un hub central dernière génération ; du trading avec la distribution de produits sur un réseau de plus de 5000 points de vente et clients entreprises ; et de la culture et de l’éducation à travers l’édition et la distribution des livres et des manuels scolaires. » On nous l’assure, « il n’y a pas de suppression de poste prévue. Nous comptons sur nos relais de croissance pour préserver les emplois. » 

Mais la mutualisation des deux groupes ne fera pas tout. « Tout l’écosystème doit recevoir un support de la part du public pour qu’une presse de qualité continue de vivre dans le pays », lâche le directeur de Sapress, instituée en 1977. Le secteur demande l’implémentation des dispositions prévues par l’article 7 de la loi 88-13 relative à la presse et à l’édition, qui prévoit pourtant une subvention pour les éditeurs, les imprimeurs et les distributeurs.

« Les secteurs de la presse, de l’édition, de l’imprimerie et de la distribution bénéficient de l’aide publique dans le respect des principes de la transparence, de l’égalité des chances et de la neutralité, aux fins de promouvoir la lecture, de renforcer le pluralisme et d’appuyer les ressources humaines desdits secteurs. Les conditions et les modalités pour bénéficier de l’aide précitée sont fixées par voie réglementaire selon des critères objectifs dans le respect absolu de l’indépendance des entreprises de presse bénéficiaires de l’aide, » dispose la loi.