Hassan Tariq: Un universitaire de gauche devenu diplomate

Écrivain, politologue, universitaire, ancien député socialiste… Le nouvel ambassadeur du Maroc en Tunisie a plusieurs casquettes. Décrit comme un homme de dialogue à la voix critique, Hassan Tariq s’installe dans un pays qu’il connait bien.

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Tniouni/TelQuel

Une reconsidération d’une élite à qui d’habitude on ne fait pas confiance. C’est une nomination qui tombe à point nommé ». C’est ainsi que le député PJD Abdelali Hamieddine salue la désignation le 7 février dernier de son ami Hassan Tariq, ancien militant de l’USFP, au poste d’ambassadeur du Maroc en Tunisie.

Une première haute fonction d’Etat pour ce quadragénaire, visage connu du paysage politique national. « J’ai été content d’apprendre la nouvelle. Je l’ai d’ailleurs appelé pour le féliciter pour cette confiance royale. C’est un homme très cultivé, qui a une large connaissance du contexte politique tunisien. Il sera très certainement un bon ambassadeur de la culture et de la nation marocaine en Tunisie. C’est un patriote, il n’y a pas de doute là-dessus », nous confie Abdelali Hamieddine, qui le connait depuis plusieurs années déjà. Pour le député PJD, cette nomination est aussi « une marque de reconnaissance pour les académiciens qui ont une expérience politique ».

Hassan Tariq et Abdelali HamieddineCrédit: DR

En réalité, la nomination de Hassan Tariq est surtout une récompense de plus pour la gauche marocaine, même si le concerné s’en est éloigné ces dernières années. Sa désignation survient en effet après celle d’Ahmed Reda Chami, autre figure de l’USFP et ancien ministre, qui était ambassadeur auprès de l’Union européenne jusqu’en 2018, comme le relève Jeune Afrique. Dans la même veine, on peut citer les nominations de Boughaleb El Attar (ancien USFP) comme ambassadeur du Royaume à Cuba, de Khalid Naciri en Jordanie, ou encore de Mohamed Grine (PPS) au Liban.

Ses débuts à la jeunesse socialiste

Comme ceux précédemment cités, Hassan Tariq, originaire de Bahlil, une petite commune mitoyenne de Sefrou, a très tôt intégré le milieu politique. Dès ses 17 ans, il prend la tête du comité national du secteur estudiantin de l’USFP. Après des études en droit et en sciences administratives, à la Faculté Mohammed Ben Abdellah de Fès, il est embauché en tant qu’inspecteur des Impôts au ministère des Finances avant de devenir conseiller en 2003 de Mohamed El Gahs, alors fraichement élu secrétaire d’Etat à la Jeunesse.

En 2004, il est nommé secrétaire général de la jeunesse ittihadie, un peu malgré lui. « Au début de l’année 2004, le poste de secrétaire général de la jeunesse USFP est resté vacant après le départ de Soufiane Khaïrate. J’ai été mis devant le fait accompli pour assumer cette responsabilité. Seulement, juste après mon élection, les problèmes ont commencé. Auparavant, je me disais que cette pression exercée sur la direction de la section jeunesse du parti n’était que la manifestation d’un excès de zèle de la part de quelques dirigeants. Mais le temps a fini par me convaincre que cette pression était bel et bien réfléchie, voire orientée. Il n’y avait alors devant moi qu’un seul choix : mettre la clé sous le paillasson », confiait-il en 2007 à Aujourd’hui le Maroc.

Auteur confirmé

Alors membre du Conseil national du parti de la Rose, Hassan Tariq enseigne le droit constitutionnel et les sciences politiques à la Faculté de droit de Settat et se tourne vers l’écriture. Son premier livre intitulé « La Patrie mérite quelque chose », paru en 2006, donnait déjà le ton de ses prochains ouvrages. « En tant que militant, j’ai écrit des chroniques politiques, rédigé des communiqués au sujet des travaux de la section jeunesse de l’USFP… Dans ce genre d’écriture, le ‘je’ s’efface au profit du groupe auquel j’appartiens. L’écriture était une sorte de chambre d’enregistrement des préoccupations et des aspirations exprimées collectivement. Aujourd’hui, je crois qu’il est temps de laisser libre cours à l’imaginaire. C’est pour cela que je me suis plongé dans la fiction. ‘La Patrie mérite quelque’ chose reflète ce désir de revenir à soi. Mais ce serait une erreur que de croire que ce virage implique une rupture avec la politique. La politique reste d’ailleurs au cœur de mon premier roman », soulignait-il dans le même entretien.

Depuis, Hassan Tariq a publié pas moins d’une dizaine d’ouvrages, dont Les jeunes, la politique et la transition démocratique, Le Maroc social, et Le libéralisme marocain. Il a aussi coécrit avec Abdelali Hamieddine Constitution 2011: entre autoritarisme et démocratie, lectures croisées. Dans cet ouvrage, il décrypte « la vague de démocratie dans le contexte arabe des révisions constitutionnelles », ou encore les « limites de la Constitution de 1996 et des implications du Mouvement 20 février ». Il a aussi signé deux livres avec son ami de longue date, le député PAM, passé par l’USFP, Abdelaltif Ouahbi dont l’ouvrage collectif Article 47, publié en 2017.

« Homme de dialogue »

« C’est un ami très proche. Nous avons souvent eu des débats et discussions autour du droit et de la politique. Nous avons travaillé tous les deux au parlement, dans la précédente législature. Il avait une présence continue dans toutes les commissions et préparait toutes ses interventions  », nous fait savoir Abdelaltif Ouahbi. Le député PAM le décrit comme un « homme de dialogue » et un « homme sur lequel on peut compter, surtout en ce qui concerne les affaires qui concernent la nation ». Les deux hommes se sont, en effet, connus dans les rangs de la jeunesse de l’USFP. « Notre relation s’est raffermie lorsqu’on s’est retrouvé au Parlement en 2012, on se rencontrait quasi quotidiennement », poursuit-il.

Pour Ouahbi, la nomination d’Ahmed Tariq à l’ambassade de Tunisie est « très positive ». « C’est un homme qui mérite tout le bien. Premièrement, parce qu’il est cultivé. Ensuite, parce qu’il s’intéresse beaucoup à la politique, c’est un grand lecteur, un homme propre et sérieux », confie l’avocat, membre du bureau politique du PAM. « Cela démontre que l’Etat attire des cadres très bons, qui ont des opinions différentes et indépendantes avec une capacité d’analyse et de critique », ajoute-t-il. Hassan Tariq a, en effet, plusieurs fois été invité à s’exprimer sur des sujets chauds dont le Hirak du Rif, le Mouvement du 20 février, ou encore le Printemps arabe.

Il avait même participé à une conférence en Tunisie, aux côtés d’Abdelali Hamieddine et Taoufik Bouachrine. « Nous avions fait une lecture des élections marocaines, juste après les élections régionales et communales de 2015, vers la mi-octobre. C’était un voyage réussi, les photos circulent d’ailleurs ces derniers jours. Bouachrine était avec nous aussi », se rappelle Hamieddine.

En attendant d’être officiellement installé dans la représentation du Maroc en Tunisie, Hassan Tariq continue de donner des cours l’Université Mohammed V de Rabat. Il a aussi été aperçu ce weekend au Salon international de l’édition et du livre (SIEL) de Casablanca. Il est également chef de la division de droit public de la faculté de droit de Rabat – Souissi, et préside l’Association marocaine de sciences politiques.