C’est l’inculpation de deux soignantes pour homicide par négligence suite au décès d’un nourrisson le 17 décembre 2018 à la maternité des Orangers à Rabat qui a soulevé le corps paramédical. Le 12 janvier, près de 1500 infirmières, infirmiers, sages-femmes et techniciens de santé ont investi les rues de la capitale pour manifester leur mécontentement, notamment face aux poursuites judiciaires à la suite d’erreurs médicales.
Partant du siège du ministère de la Santé, la marche des blouses blanches a conduit les manifestants jusqu’en face du Parlement. Durant ce trajet, les protestataires ont scandé leurs doléances mettant en avant « le mutisme de la tutelle face aux problèmes du secteur, et ceux du corps infirmier et des techniciens de santé », nous informe Hamid Massou membre du Conseil national du Mouvement des infirmiers et techniciens de santé au Maroc.
Quid des revendications
Selon eux, l’amélioration des conditions d’accès aux soins passe par la réglementation de la profession d’infirmier et c’est dans cette logique que s’inscrit le dossier revendicatif des professionnels du secteur. « Nos revendications s’axent autour de 6 points essentiels et tendent à une meilleure restructuration des professions infirmières au Maroc », explique Hamid Massou.
Dans les détails, le mouvement appelle à la création d’un Ordre national des infirmiers et techniciens de santé et à la mise en place d’un référentiel des emplois et compétences des métiers de soins, mais également d’une loi-cadre fixant les droits et obligations de cette catégorie de soignants.
En outre, le Mouvement réclame une revalorisation des indemnités sur les risques liés à l’exercice de la profession infirmières. « Les professionnels du secteur paramédical, en dépit des risques qu’ils encourent, perçoivent une indemnité mensuelle fixée à hauteur de 1.400 dirhams, quelque soit le nombre d’années d’exercice et la nature du travail exercé », souligne le membre du Conseil d’administration du Mouvement, lui-même infirmier au CHU Avicenne de Rabat.
L’intégration des lauréats des Instituts supérieurs des professions infirmières et techniques de santé, établissements étatiques de formation, est une autre revendication, d’autant plus pressante que « selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Maroc a besoin de 9.000 à 10.000 infirmiers et techniciens de santé pour combler le manque en personnel soignant. Aujourd’hui, on compte près de 10.000 infirmiers diplômés d’Etat en chômage, ce qui est aberrant », poursuit notre source.
Enfin, le Mouvement dénonce la formule actuelle du décret n°2.17.535 portant statut particulier du corps interministériel des infirmiers et des techniciens de santé, étant donné « qu’il cause préjudice notamment à une grande partie d’infirmiers diplômés d’État ayant obtenu leurs diplômes en 2 ans conformément à l’ancien système d’enseignement paramédical. Ces derniers n’ont pas droit à une revalorisation d’échelles ni à l’accès aux masters et doctorats en soins infirmiers consacrés uniquement aux infirmiers et techniciens de santé ayant suivi une formation de bac + 3 », explique le membre du Conseil national du Mouvement.
Grève de deux jours
« Nous sommes engagés à poursuivre notre militantisme si le ministère de la Santé persiste dans son mutisme », martèle Hamid Massou. En effet, outre la marche du 12 janvier, le Mouvement a appelé les professionnels du secteur à se conformer à la réglementation en vigueur en se limitant au rôle propre de l’infirmier et ce à partir du 7 janvier. Cet appel a été également formulé par l’Association marocaine des sciences infirmières et des techniques de santé (AMSITS) qui a expliqué, dans un communiqué, que les infirmiers ont trois rôles : « celui qui leur est propre, et deux autres délégués : l’un sous prescription médicale, et l’autre à la fois sous prescription et assistance médicale ». Si la responsabilité est entière pour le premier rôle, elle est partagée entre le personnel paramédical et le médecin, dans les deux autres. Or, « l’assistance médicale n’est pas toujours respectée que ce soit par l’administration ou par les intéressés eux-mêmes », souligne le communiqué. Ceci induit un non-respect des « recommandations du Conseil international des infirmiers, et de la réglementation en vigueur régissant la profession infirmière ».
Une grève nationale est prévue, les 5 et 6 février, dans les différents établissements de soins, hormis les services des urgences, de réanimation et des soins intensifs.