Comment la conquête de Mars commence par Erfoud

En l'espace de 10 ans, Erfoud est devenue une destination incontournable pour la recherche spatiale européenne. Un engouement qui s'explique par la topologie de la région, mais aussi par les conditions d'accueil sur place.

Par

Kamal Tajeddine

Alors qu’un soleil de plomb tape sur les dunes rocailleuses, plusieurs robots apparaissent à l’horizon. Sur quatre roues motrices, ces drôles de véhicules automatisés fouillent à l’aide de leur caméra la surface, sablonneuse ou rocailleuse, qu’ils parcourent. D’autres, munis d’antennes, scrutent les environs. Nous ne sommes pas sur la Lune, ni sur Mars où le robot Curiosity a posé ses roues en 2012, mais bien dans l’est du Maroc, à Erfoud.

Fin décembre, l’espace de quelques jours, cette région a été la terre d’accueil de robots créés par plusieurs agences spatiales européennes. Parmi les guest-stars présentes sur place, on retrouve notamment le robot Exomars qui posera ses roues et pinces sur la surface de la planète rouge à l’horizon 2020. La destination Erfoud intéresse également l’agence spatiale russe Roscosmos qui y a également effectué des tests courant 2018. Mais l’attractivité d’Erfoud pour la recherche spatiale ne date pas d’hier. Cela fait une dizaine d’année que la région d’Erfoud-Rissani accueille les tests d’agences spatiales souhaitant partir à la découverte de la planète rouge. Un engouement qui s’explique par les caractéristiques géologiques de la région, mais aussi l’environnement créé autour de ce business. Explications.

Life on Erfoud

Pour comprendre l’intérêt que suscite Erfoud, il faut remonter à 2007. Cette année-là, un projet est initié conjointement par l’université Cadi Ayyad de Marrakech et l’université de Pescara en Italie. Les deux institutions se mettent d’accord pour créer le centre Ibn Battuta, installé au cœur de l’université marrakchie. Le centre est chargé « de la formation et doit alors servir de sous-port pour les agences européennes désireuses de faire des tests d’instrumentations liées à l’exploration spatiale » nous explique Kamal Tajeddine, vice-président de l’université chargée de la recherche à Cadi Ayyad (Marrakech) et directeur du centre Ibn Battuta.

 

Le centre est situé à quelques centaines de kilomètres d’Erfoud où de nombreuses similarités avec la planète Mars ont été identifiées. « La région Erfoud-Rissani offre une variété de terrains existant sur la planète Mars ce qui fait de la région une plateforme formidable pour les tests de terrain, » détaille Gernot Groemer, responsable des tests d’instrumentation spatiale à Erfoud au sein de l’Austrain Space Forum. Selon le chercheur, le sable de la région présente de nombreuses similarités avec celui que l’on peut retrouver sur la planète rouge.

A cette similarité géologique vient également s’ajouter une ressemblance topographique. Pour le chercheur Simon Lacroix, responsable des tests de robotique au sein du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAA), qui dépend du Centre national de recherches scientifiques français, les paysages d’Erfoud présentent de nombreuses similitudes avec celles de Mars. Pour le chercheur c’est cette similarité qui a contribué à attirer les chercheurs européens.

Accueil marocain

En témoigne, la décision prise par les hauts responsables de l’Agence spatiale européenne (ESA) concernant les tests relatifs à l’exploration de la planète rouge : « L’Agence spatiale européenne (ESA) a exigé que les tests de toute instrumentation envoyée sur Mars doivent être testés sur un site analogue martien marocain », explique Kamal Tajeddine.

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D’autres critères ont joué un rôle dans le choix d’Erfoud. Parmi eux, la proximité avec l’Europe alors que l’« importation de matériel de robotique peut coûter jusqu’à trois milliards de dirhams » selon le directeur du Centre Ibn Battuta. A cela vient également s’ajouter, la disponibilité des autorités marocaines. Selon le chercheur, de nombreux tests effectués au Maroc n’auraient jamais pu avoir lieu sans le soutien des ministères de l’Intérieur, de l’Enseignement supérieur, des douanes et des wilayas, de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). L’ANRT a notamment contribué à la mise en place, sur site, d’une connexion très haut débit permettant d’échanger des informations en temps réel avec les agences spatiales européennes.

Si Erfoud fait office de destination favorite des chercheurs, elle n’est néanmoins pas la seule destination marocaine où ils peuvent effectuer leur test. En effet, les hauts responsables de l’ESA ont donné leur feu vert pour plusieurs sites marocains notamment dans la région de Zagora, d’Ouarzazate, au nord de Tan-Tan, à Tinghir et au sud d’Errachidia.

A Erfoud, les Forces armées royales ont également eu leur rôle à jouer puisque certains éléments de l’armée sont mobilisés pour assurer la protection des scientifiques présents sur place. Dernier facteur, et non des moindres, la capacité d’accueil dans la région. En effet, plusieurs établissements hôteliers ont été construits dans la région afin d’accueillir les chercheurs mobilisés sur place. Des conditions qu’il sera difficile de reproduire lorsque, après leur passage au Maroc, les robots des agences européennes fouleront le sol de Mars. La vraie.