Couverture médicale, pouvoir d'achat, précarité... l'ONDH met en lumière les inégalités sociales

 Malgré une amélioration de plusieurs indicateurs socio-économiques, entre 2012 et 2017, le vieillissement et les inégalités d'accès à l'éducation, à l'emploi et aux services de base se creusent.

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Le souk d'Inezgane. Crédit: DR

Comment ont évolué les principaux indicateurs socio-démographiques de la population marocaine entre 2012 et 2017? C’est la question à laquelle répond l’Observatoire national du développement humain (ONDH), dans son rapport intitulé « Indicateurs de suivi du développement humain : niveau et tendance à l’échelle nationale et régionale 2012-2017 ». Sa principale conclusion?  Si les conditions de vie ont connu de nettes améliorations sur la période 2012 – 2017, elles n’ont pourtant pas suffi pour réduire les écarts sociaux et régionaux. Le Maroc accuse toujours des retards dans des secteurs-clés comme la santé, l’éducation ou la « confiance des ménages sur le sentiment de pauvreté ».

Dans le cadre de cette étude, l’institution, qui dépend du chef du gouvernement, a ainsi réalisé un travail de terrain auprès des ménages urbains et ruraux sur une période de six années. À l’aune de nombreux indicateurs, cette étude, au caractère inédit, permet de combler un manque sur la connaissance précise des inégalités spatiales et sociales. Ainsi, elle s’est concentrée sur les conditions d’habitat, d’accès aux services de base, ainsi que dans les domaines de l’emploi, de la santé, de l’éducation incluant pour ces critères une dimension genrée et démographique.

Accès à la santé peu satisfaisant

L‘accès à la santé reste inaccessible pour moins de la moitié des Marocains. Cet accès s’établissait à 53,8% en 2017, contre à peine 23,4 en 2012.  L’institution fait également observer que la proportion des femmes, âgées de 15 à 49 ans, ayant accouchées en milieu surveillé, s’est améliorée de 5.5 points durant cette période. Elle est ainsi passée de 82.1% à 87.6% l’an dernier.

Si la couverture médicale est en nette amélioration (28,5% à en 2017), l’accès à la santé reste très peu satisfaisant et loin de concerner l’ensemble de la population. De quoi mieux comprendre la récente réunion, le 7 novembre, entre le roi Mohammed VI, le Chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani, et le ministre de la Santé, Anas Doukkali. Le programme de couverture médicale RAMED ainsi que la refonte du système de santé ont été les principaux points évoqués. Un programme qui a fait l’objet d’un important remaniement alors qu’en juillet, un autre rapport de l’ONDH signalait que « le ciblage du RAMED n’assimile malheureusement pas les plus pauvres« . Un rapport qui relevait « un certain nombre de faiblesses, comme le caractère injuste et dissuasif de la contribution exigée aux populations vulnérables, l’obsolescence de certains critères d’éligibilité ».

50,1% des ménages marocains se considèrent subjectivement comme pauvres

Précarité à l’emploi pour les Marocaines

L’ONDH établit l’évolution d’autres indicateurs sociaux et économiques. Ainsi, dans le domaine de l’éducation, le nombre moyen d’années d’études, pour les 25 ans et plus, est de 4,8 ans en 2017 (5,8 ans pour les hommes et 3,8 ans pour les femmes). Cette amélioration s’accompagne par l’augmentation de l’espérance de vie scolaire à 12,7 ans en 2017. Une légère amélioration, par rapport à 2012, synonyme également d’un recul de la proportion d’individus sans niveau d’instruction, celle-ci passant de 45,5% à 40% entre 2012 et 2017.

Sur la question de l’emploi, l’étude indique que les femmes restent les plus touchées par l’instabilité au travail. Ainsi, la proportion de femmes devenant inactives augmente de façon continue, passant de 27,2 % entre 2012 et 2013 à 41,6 % entre 2015 et 2017.

L’institution, qui oeuvre à voir l’impact des différents programmes et chantiers de développement nationaux, montre alors une situation loin d’être satisfaisante. De quoi mieux comprendre les attentes suscitées par la phase III lancée par l’INDH (Initiative nationale pour le développement humain), concernant essentiellement les questions d’accès à l’emploi, au système de santé et de l’éducation, principalement dans les zones rurales.

Vieillissement de la population

« Le Maroc se distingue par une transition démographique avancée, se caractérisant par un recul de la fécondité et un vieillissement prononcé dans les années à venir », indique l’Observatoire. Ainsi, entre les deux périodes, la taille moyenne des ménages a baissé de 0.3 point, passant de 4.7 à 4.4 personnes par ménage. Une structure démographique des familles marocaines qui tendrait davantage vers « une nucléarisation des ménages et une transformation de la pyramide des âges », ajoute l’organisme.

En ce sens, le poids démographique des moins de 15 ans est en diminution, passant de 29% à 28.5% tandis que celui de la population âgée de plus de 60 ans est en constante augmentation (de 9,8% à 10,8%). Le rapport mentionne qu’une proportion de 18,1% des ménages marocains ont été dirigés par une femme en 2017, contre 15.4% (en 2017?). Des chiffres, qui en milieu urbain, passent de 18,9% à 21,3% entre 2012 et 2017, alors qu’ils ne sont respectivement que de 9.5 à 11,4 dans le monde rural.

Inégalités régionales et écarts sociaux

Dernier volet de l’enquête menée par l’ONDH, les conditions d’habitat, d’accès aux services de base et des dépenses des ménages. Celle-ci font part de grandes disparités régionales, notamment concernant la consommation des ménages. Ainsi, la dépense annuelle moyenne par tête en milieu urbain (22.105 dirhams) est environ deux fois (1,9) plus élevée que celle d’un Marocain résidant en milieu rural (11.946 dirhams).

Le rapport mentionne également que « 10% des plus aisés de la population accaparent, durant la période 2012-2017, près d’un tiers de la consommation globale des ménages, ce qui correspond à une dépense par habitant 10 fois plus grande que celle des 10% les plus pauvres. »

L’ONDH conclut également que la pauvreté recule, passant de 20,8% de la population entre 2012 et 2013 à 8,7% entre 2015 et 2017. Néanmoins, les chiffres de la pauvreté ne sont pas aussi stables que ce que l’on pourrait croire. L’enquête montre que  91,3% des « pauvres« , entre 2015 – 2017, ont réussi à franchir le seuil de pauvreté absolue tandis que 1,6% des gens « non-pauvres » en 2015 sont le sont devenus en 2017.

L’institution montre que le contexte de pauvreté n’est pas figé. Si le risque de tomber dans « la pauvreté absolue » est en recul au Maroc, l’étude fait également ressortir qu’une proportion importante de « pauvres » parvient à sortir de cette situation au bout de un ou deux ans. Une population qui ne cesse d’augmenter avec le temps. Pour autant, selon l’enquête, 50,1% des ménages marocains se considèrent subjectivement comme pauvres. Une évolution significative par rapport à 2012, où le pourcentage était de 46,6%. D’après l’ONDH, cette forme de pauvreté est le fruit de plusieurs facteurs qui touchent le Royaume. Parmi eux : l’insécurité sociale et financière, la fragilité des sources de revenus, le chômage -notamment des jeunes diplômés – ou encore les inégalités perçues par les ménages dans leur environnement social.