Appel de Mohammed VI au dialogue : silence, méfiance et curiosité en Algérie

Au lendemain du discours royal déclarant le Maroc disposé à un dialogue «franc et direct» avec l'Algérie, des médias algériens ont salué l’appel royal, d’autres mettent en doute la sincérité de l’invitation, tandis qu’une source autorisée qualifie le discours de «non-évènement» en Algérie. Tour d’horizon.

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MAP

Je déclare aujourd’hui la disposition du Maroc au dialogue direct et franc avec l’Algérie sœur, afin que soient dépassés les différends conjoncturels et objectifs qui entravent le développement de nos relations». Ces mots, prononcés par Mohammed VI lors du traditionnel discours du 6 novembre à l’occasion du 43e anniversaire de la Marche verte, ont pu être interprétés comme une main tendue vers l’Algérie pour relancer des relations minées par plusieurs décennies de divergences. Mais, lancé à un mois d’une rencontre décisive pour le dossier du Sahara à Genève les 5 et 6 décembre prochains, cet appel a aussi suscité des doutes chez le voisin de l’Est.  Dans la presse algérienne, on note aussi quelques réactions positives. Tour d’horizon.

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Méfiance

La réaction algérienne la plus claire au discours royal a été obtenue par TSA. Selon une «source autorisée» citée par le média, l’invitation au dialogue marocaine est «douteuse dans sa forme». Parce que la proposition a eu lieu lors de la célébration de la Marche verte, mais aussi de par son contenu, elle aurait pour objectif de «bilatéraliser» la question du Sahara selon cette source algérienne qui qualifie la proposition du roi Mohammed VI est un «non-évènement […] qui ne mérite pas de réponse formelle». De fait, il n’y a pas encore eu de réaction officielle de la partie algérienne au discours de Mohammed VI.

Néanmoins, cette « source autorisée » citée par TSA invoque une série de conditions qu’Alger avait fixées en 2013 comme préalable à la normalisation de ses relations avec Rabat. Ces conditions concernent: «l’arrêt de la campagne de dénigrement contre l’Algérie», «une coopération sincère, efficiente et productive» en matière de lutte contre le trafic de drogue, ainsi que le respect de «la position du gouvernement algérien en ce qui concerne la question du Sahara». La source de TSA rappelle qu’Alger considère cette dernière question comme « une question de décolonisation qui doit trouver un règlement conforme à la légalité internationale au sein des Nations unies ». A l’époque, la diplomatie marocaine avait déjà répondu que le fait de fixer des conditions de manière unilatérale constituait «une pratique d’un autre âge».

Changement de ton

Avant cette sortie aux accents de réponses officieuses, d’autres médias algériens s’étaient emparés du sujet. «C’est un discours absolument nouveau à l’égard de l’Algérie», écrit le Quotidien d’Oran. «Voilà une position de Rabat qui constitue un véritable changement dans le ton vis-à-vis de l’Algérie», estime le journal Liberté. Tout comme El Watan, pour qui le roi Mohammed VI prône «le réchauffement des relations bilatérales», aux antipodes d’un discours «belliqueux».

Mais le discours de Mohammed VI pose aussi beaucoup de questions côté algérien. El Watan, qui qualifie le discours de «mielleux», se demande s’il n’est pas une «nouvelle manœuvre» du monarque, invoquant de précédents «coups de bluff».

Le timing du discours interroge aussi. «L’approche de la rencontre helvétique, à laquelle, rappelons-le, l’Algérie participera pour la première fois, pourrait aussi avoir inspiré quelque calcul à Mohammed VI», analyse TSA.

Dans son discours, Mohammed VI avait proposé «la création d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation». Il avait précisé que «le niveau de représentation au sein de cette structure, son format, sa nature sont à convenir d’un commun accord».

Le souverain avait également déclaré que le Maroc était «ouvert à d’éventuelles propositions et initiatives émanant de l’Algérie pour désamorcer le blocage dans lequel se trouvent les relations entre les deux pays voisins frères».

Mohammed VI a par ailleurs souligné dans son discours que le mécanisme bilatéral proposé «devra s’engager à examiner toutes les questions bilatérales, avec franchise, objectivité, sincérité et bonne foi, sans conditions ni exceptions, selon un agenda ouvert».