Le jour où le juge Brett Kavanaugh prêtait serment pour entrer à la Cour suprême, la mère de Pieter Hanson écrivait un message sur Twitter dressant un parallèle entre le magistrat, accusé d’une agression sexuelle qu’il nie, et son fils.
Sous le hastag #HimToo (lui aussi), elle a assuré que son fils refusait tout rendez-vous galant par peur d’être injustement accusé d’agression sexuelle. Pour souligner son propos, elle a posté une photo du jeune homme de 32 ans aux faux airs d’ange dans un uniforme de marin blanc immaculé.
Le cliché est immédiatement devenu viral avec des centaines de « memes » détournant avec beaucoup d’humour le message de cette mère inquiète.
Pieter Hanson s’est lui-même fendu d’une nouvelle photo, dans la même pose que la première mais sans l’uniforme, pour contredire sa mère. « Je respecte et je crois les femmes, je n’ai jamais et je ne soutiendrai jamais #HimToo ».
L’histoire pourrait sembler anecdotique si elle ne renvoyait à un discours politique porté par le président en personne.
« C’est une époque vraiment terrifiante pour les jeunes hommes en Amérique, vous pouvez être coupable de quelque chose dont vous n’êtes pas coupable », a assuré le 2 octobre Donald Trump, lui-même accusé à plusieurs reprises d’abus sexuels.
Quelques jours plus tard, il s’en est pris à l’accusatrice du juge Kavanaugh, Christine Blasey Ford, lors d’un meeting avant les élections parlementaires du 6 novembre. Se moquant de ses trous de mémoire, Donald Trump a provoqué l’hilarité du public.
La mère de Pieter Hanson n’a pas inventé le hashtag #HimToo, qui a fleuri ces deux dernières semaines chez les défenseurs du juge Kavanaugh et plus largement en soutien aux hommes présentés comme « victimes » de fausses accusations.
Certains y ont vu une réaction au mouvement #MeToo, qui a depuis un an mis l’accent sur la parole des victimes d’abus sexuel et a fait tomber des dizaines d’hommes de pouvoir.
Il y a « comme un sentiment de compétition entre les hommes et les femmes », relève Clara Wilkins, chercheuse en psychologie sociale à l’université Washington à Saint-Louis, interrogée par l’AFP.
Les études montrent selon elle que le sentiment d’être discriminé en raison de son sexe n’a jamais été aussi fort chez les hommes. « Ils ont le sentiment que si les femmes progressent, eux y perdent », et chaque exemple qui va dans leur sens exacerbe ce sentiment, regrette-t-elle.
« En présentant le juge Kavanaugh comme accusé à tort, Trump va renforcer la croyance des hommes qu’ils sont des victimes », prédit l’universitaire.
Les peurs des hommes ont « une base rationnelle », rétorque Andrew Miltenberg, qui a défendu au civil « des centaines » de jeunes hommes accusés d’abus sexuels le plus souvent dans le cadre universitaire.
« Dans la plupart des cas –pas tous–, il s’agissait de vengeance d’anciennes petites amies ou de femmes qui trouvaient qu’on leur avait trop tourné autour », assure-t-il, en regrettant que la parole des victimes présumées pèse plus que celle des hommes.
« On vit bien un moment effrayant, je ne crois pas qu’un homme puisse rester seul avec une jeune femme dans ce climat », affirme l’avocat, en soulignant qu’être expulsé de sa faculté ou perdre son emploi peut « détruire » un homme.
Or à en croire une étude du ministère de la Justice, au pénal, les fausses accusations sont très rares, dans une fourchette de 2 à 10% des plaintes selon les définitions retenues.
Par ailleurs, une victime de viol sur dix est un homme et 3% des Américains ont été violés ou agressés sexuellement.
Les associations de défense des victimes soulignent par conséquent que les hommes américains courent davantage le risque d’être victimes d’agression sexuelle que de fausses accusations. Et peuvent donc tweeter #MeToo plutôt que #HimToo.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer