Les joutes verbales entre diplomaties marocaine et iranienne se poursuivent. Les propos de Nasser Bourita dans une interview à Breitbart, média proche de l’extrême droite américaine, où il dénonce une « offensive » politique et économique iranienne en Afrique ont fait réagir à Téhéran. Dans des propos relayés par l’agence de presse étatique IRNA, Bahram Qasemi, le porte-parole de la diplomatie iranienne affirme que la décision marocaine de rompre les relations avec la République islamique témoigne « d’un manque de stabilité comportementale dans sa politique étrangère ». Pour lui, cette mesure de Rabat s’explique par «des pressions émanant d’un pays tiers». Contactée par TelQuel, une source diplomatique marocaine rejette en bloc les accusations iraniennes.
Absence de clarification
« C’est une fuite en avant. Si les accusations marocaines sont fausses pourquoi l’Iran ne s’explique-t-il pas quant à ses relations avec le Polisario? Pourquoi n’y a-t-il eu aucune déclaration où, de manière claire et nette, il affirme ne pas reconnaître le Polisario et affiche un soutien à l’intégralité territoriale du Maroc ? », dénonce ce diplomate.
Pour notre interlocuteur, la véracité des accusations du Royaume à l’encontre de l’Iran est prouvée par les récentes sorties de la diplomatie américaine au sujet de Téhéran où le régime iranien a été qualifié de « malveillant ». « Lors des discussions du ministre des Affaires étrangères marocain avec son homologue américain, le sujet a été pris au sérieux. Et visiblement cela gêne du côté de Téhéran», rapporte une source proche.
Evoquant le déplacement du ministre des Affaires étrangères marocain à Washington, notre source affirme que l’objectif principal de Nasser Bourita lors de ses tractations avec l’administration Trump était de « pointer les relations entre l’Iran et le Polisario». Selon notre source, l’intérêt de Washington pour le sujet était «perceptible ».
Des tensions qui durent
Si le Royaume a effectivement rompu ses relations avec l’Iran à deux reprises en l’espace de neuf ans, les tensions avec Téhéran sont anciennes, rappelle notre interlocuteur. A titre d’exemple, il mentionne « l’attaque menée contre l’ambassade du Maroc à Téhéran » suite à la réception du shah en exil par le roi Hassan II après la révolution islamique iranienne de 1979. La même année, les deux pays rompent leur relation diplomatique pour la première fois.
Un an plus tard, une deuxième rupture a lieu suite à la reconnaissance de la RASD par l’Iran. Autre exemple cité par notre interlocuteur, la demande de fatwa demandée par le roi Hassan II au Conseil supérieur des oulémas en réaction aux pratiques de l’ayatollah Khomeiny qui souhaitait se faire appeler Rouh Allah (l’esprit de dieu) ou Rouh Al Qoudsi (l’esprit du saint).
Autre illustration des tensions persistantes entre Téhéran et Rabat, le soutien apporté par Hassan II à l’Irak lors de la guerre l’opposant à l’Iran (1980-1988). Il est à rappeler qu’en 1984, le défunt roi avait imputé la responsabilité d’émeutes contre la cherté de la vie au régime de Téhéran.
Absence de discussions
Pour rappel, Rabat accuse Téhéran de fournir des armes au Polisario à travers le mouvement libanais du Hezbollah par l’intermédiaire d’un diplomate basé à Alger. Nasser Bourita avait affirmé à la presse qu’il disposait de « preuves et de noms » attestant du soutien du mouvement chiite au Polisario.
Les nouvelles accusations de Nasser Bourita envers l’Iran relayées par Breitbart surviennent quelques semaines avant l’examen de la question du Sahara par le Conseil de sécurité de l’ONU durant le mois d’octobre. Lors du vote de la résolution prorogeant le mandat de la Mission des Nations Unies au Sahara pour une durée de six mois, en avril dernier, certains membres du Conseil, dont Etats-Unis, ont encouragé le Maroc et le Polisario à reprendre les discussions. Ce que le Royaume semble peu enclin à faire, si on se fie aux déclarations de Nasser Bourita à Breitbart : «Comment les Etats-Unis peuvent-ils nous demander aujourd’hui de nous asseoir avec un mouvement militaire et autocratique[…] Comment peut-on demander au Maroc de s’asseoir avec ces gens pour discuter du futur de ce territoire?».
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer