Le 26 mars 2017, F. B. assistait aux violences qui ont secoué les communes d’Imzouren et de Beni Bouayach, dans la province d’Al Hoceïma. Plus d’un an plus tard, le 24 mai 2018, il s’accoude à la barre de la salle 7 de la Cour d’appel de Casablanca – non en tant qu’accusé impliqué dans ces émeutes qui se sont soldées par des dizaines de blessés côté forces de l’ordre, l’incendie d’une résidence de police et la détérioration de plusieurs véhicules de fonction -, mais en tant que témoin oculaire.
F. B. aurait pu être un témoin comme les autres. Il aurait pu prêter serment, raconter ce qu’il a vu et entendu, répondre aux questions des différentes parties, et quitter la salle d’audience, empli du sentiment du devoir citoyen accompli. Mais F.B. n’est pas un témoin comme les autres. Il semble en effet traîner une sale réputation auprès de Nasser Zafzafi et ses 53 codétenus. « C’est un trafiquant de drogue et de mahia connu de la région qui m’a agressé plusieurs fois. Demandez-lui de retrousser ses manches pour voir ses bras lacérés« , a dénoncé le leader du Hirak devant le juge.
Le témoin accusé
Si rien dans la loi n’empêche un témoin de déposer au tribunal malgré une adversité envers un des inculpés, la coutume veut qu’il soit interrogé par le juge sur ce point. Une manière pour la Cour de se forger une conviction intime sur la véracité de ses propos. La défense a d’ailleurs exigé que F. B. soit écarté, du fait de ses « antécédents personnels » avec Nasser Zafzafi. Le procureur Hakim El Ouardi s’est étonné que « la défense demande la convocation d’un témoin puis le renie une fois devant le juge« .
Le témoignage de F. B. ne diffère pas tellement de celui de H. B., l’étudiant qui a affirmé le 22 mai que Nasser Zafzafi est l’instigateur des événements du 26 mars 2017 à Imzouren. Devant le juge, ce gardien de nuit raconte également avoir vu Nasser Zafzafi inciter un groupe de jeunes manifestants à attaquer la caserne des forces de l’ordre à Beni Bouayach, il a assisté à l’assaut incendiaire sur la résidence de policiers, non loin de là, à la destruction des bus et des camionnettes de la police…
En face, la stratégie de la défense est simple. Avec des questions précises sur le nombre de manifestants, l’enchaînement exact des événements, les mots employés par Nasser Zafzafi, les distances entre les différents lieux de l’action, elle espère discréditer le témoin avec des contradictions dans ses propos devant la Cour, ceux devant le juge d’instruction et sa déposition à la Brigade nationale de la police judiciaire. Pour le procureur, cette démarche inquisitrice cherche à faire porter le chapeau au témoin, en lieu et place de l’accusé.
Grève de la faim
« N’essaies-tu pas d’acheter ton innocence auprès de la Justice en témoignant contre Nasser Zafzafi ? » lui demande Me Mohamed Aghnaj. Deux jours auparavant, l’avocat des détenus du Hirak avait posé la même question au témoin H. B., faisant sortir de ses gonds le procureur, qui lui reprochait son caractère insidieux. Ce 24 mai, cette interrogation a suscité la même réaction chez le représentant du Parquet et, après plusieurs minutes d’échanges tendus, le juge a refusé la question, levant au passage la séance.
La voix de Nasser Zafzafi s’élève. Excédé, debout à l’entrée du box des accusés et vêtu de la même gandoura violette qu’il arborait le jour de l’incident de la mosquée le 26 mai 2017, il annonce au procureur une grève de la faim illimitée. Celle du « non-retour« . Nasser Zafzafi, dénonce « le parti pris de la Justice« , et se révolte contre son incarcération en cellule individuelle depuis plus de 11 mois à la prison d’Oukacha. Il menace même d’étendre son jeûne de protestation à l’eau, « si les choses ne changent pas« . Suite du procès ce vendredi 25 mai.
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