Le professeur qui avait violenté son élève au lycée Imam Malik à Khouribga est tiré d’affaire. Le père de la victime a signé ce jeudi 24 mai un document (voir ci-dessous) attestant qu’il retirait sa plainte contre l’enseignant. Ce dernier, placé en détention provisoire le 22 mai, a été mis en liberté provisoire dans la foulée, selon le site d’information Alyaoum24.
« Après l’intervention d’un groupe de personnes de bonne foi et cette réunion de réconciliation, je renonce à la plainte que j’avais déposée pour ma fille S. contre monsieur M. (l’enseignant, NDLR) […] cela a été décidé devant le tribunal de première instance de Khouribga », peut-on lire dans le document. Le père de la jeune fille demande également à ce qu’aucune poursuite ne soit engagée contre le professeur.
Un discours bien différent de celui que l’homme tenait au lendemain de l’agression. « Comment peut-on s’en prendre à une fille aussi monstrueusement ?« , s’indignait-il dans une vidéo publiée par nos confrères du 360.ma. « Nous allons le poursuivre jusqu’à ce qu’il soit jugé pour ce qu’il a fait, lui, le directeur de l’école ainsi que tous les autres qui ne lui sont pas venus en aide [à la fille, NDLR]. Où sont les droits de l’enfance, de l’Homme dans tout ça ? C’est inacceptable« , a-t-il ajouté. Alors que s’est-il passé entre temps ?
Soutien des élèves au professeur…
Depuis que la polémique a éclaté, les soutiens se succèdent. Mais ils ne s’adressent pas à la victime. Pour les syndicats, les professeurs, les directeurs et une grande partie des élèves de l’établissement, la vraie victime ce n’est pas la jeune fille, mais le professeur.
D’ailleurs, lorsque le parquet général du tribunal de première instance de Khouribga ordonne, mardi 22 mai, la détention provisoire du professeur de nombreux élèves de l’établissement organisent des manifestations appelant à la libération de ce dernier. Selon Hespress, de nombreux élèves ont même scandé des slogans insultants envers la fille violentée.
Interrogés par le 360.ma, ces derniers sont même allés jusqu’à affirmer que la lycéenne « l’avait bien cherché« . Dans la vidéo, ils expliquent que la jeune fille « jouait avec son téléphone et lançait de la craie sur le professeur. Elle l’a visé trois fois. La quatrième fois, il l’a tabassée […] parce qu’elle a l’habitude de faire ça« .
L’un des témoins ajoute que « c’est un enseignant gentil. Ce sont les élèves qui le provoquent ! Ils lui lancent des pierres, l’insultent…« . Pour un autre, « n’importe quelle personne énervée aurait réagi comme ça. Parce qu’il l’a prévenue plusieurs fois avant de la frapper« . Les élèves avouent tout de même que parfois le professeur « se met en colère et il commence à insulter« .
Un soutien jugé « étonnant » par le directeur provincial de l’académie de Khouribga. Mohamed Lagziri, contacté par nos soins, l’explique par les bonnes relations qu’entretient l’enseignant avec les élèves et leurs parents. « Il enseigne ici depuis 36 ans, et n’a jamais eu de problème de toute sa carrière« , relève notre interlocuteur.
Le directeur affirme également que la jeune fille au coeur de cette polémique n’a jamais eu d’antécédents de ce type non plus depuis son arrivée dans l’établissement il y a deux ans.
… ainsi que des syndicats et du corps enseignant
Même soutien exprimé du côté de certains syndicats. Ahmed Mansouri, secrétaire général de l’Organisation démocratique de l’enseignement, affiliée au syndicat ODT (Organisation démocratique du travail), interviewé par nos confrères du Huffpost Maroc, compatit avec son confrère justifiant son acte de violence par « un cumul de stress et de pression que subissent les enseignants » et par les provocations répétées qu’aurait exercées l’élève à ce moment-là. Son confrère Abderrazak El Idrissi estime que « l’enseignant est une victime » et que les torts sont partagés.
Samir Abderrazik, président de l’Association des enseignants des sciences de la vie et de la Terre du Maroc (AESVT Maroc), est du même avis. « Les enseignants sont aujourd’hui dépassés par le comportement des élèves qui ne s’intéressent plus aux cours. Il faut arrêter de prendre les profs pour des boucs émissaires et leur mettre toute la responsabilité sur le dos« , lance le professeur, perplexe. « J’ai le même âgé que le professeur en question. Il y a deux ans, j’ai décidé de partir en retraite anticipée parce que je ne pouvais plus supporter les élèves. L’humiliation par les ados, c’est insupportable », ajoute-t-il.
Si le professeur compatit, il affirme tout de même que son collègue a « dépassé les limites et perdu ses moyens« . Des conditions de travail compliquées dont témoigne l’épouse de l’enseignant dans une interview filmée par le 360.ma. « Il est sous pression en permanence. Il a trois ou quatre classes à gérer, avec une trentaine d’élèves dans chacune« , avance-t-elle.
Selon Mohamed Lagziri, de nombreux enseignants de l’établissement en question se sont plaints de cette pression vécue au quotidien. « Ils disent se sentir victimes de la violence de certains élèves et reprochent à l’Académie de ne pas les soutenir, l’accusant de couvrir les élèves. On veut essayer de corriger cela. Nous avons donc entamé un dialogue avec les enseignants, les syndicats et les associations de parents d’élèves« , confie le directeur provincial de l’académie de Khouribga.
Et la victime dans tout ça ?
De son côté, S. est encore sous le choc. Depuis la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux, la jeune fille a reçu de nombreux messages haineux de la part d’internautes qui se sont acharnés sur elle.
Mohamed Lagziri affirme que l’Académie prépare la future réintégration de la jeune fille. « Si elle n’a pas de blessure physique, elle est encore faible psychologiquement. Elle a subi beaucoup de pression, notamment de la part des médias« , nous explique le directeur provincial. Avant d’ajouter : « Dès qu’elle sera prête elle pourra réintégrer cet établissement ou un autre si ses parents le souhaitent« .
Dans une interview accordée à Yabiladi suite à la diffusion de la photo, Soumaya Naamane Guessous affirme que « quand il y a la crainte, le mépris, quand l’enfant se sent touché dans sa dignité, il est diminué et arrête (l’école), tout simplement. Le respect de la dignité de l’élève est très rare dans notre système éducatif« .
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