L’information n’est pas passée inaperçue. La province de Tata a embauché par contrat 20 médecins sénégalais pour faire face à ses besoins en effectif médical, la région ne disposant aujourd’hui que de 8 médecins marocains pour 120.000 habitants.
Selon nos informations, la démarche fait suite à un appel à candidatures, passé inaperçu, qui remonte à fin 2017. D’après le document, « une association non gouvernementale à caractère social recrutera des médecins sénégalais diplômés d’études spécialisées en gynécologie ou toute autre spécialité médicale« .
La publication coïncidait avec l’annonce faite par le Conseil provincial de Tata mentionnant que plusieurs centres de soins se préparaient à accueillir des cadres médicaux sénégalais pour combler le déficit dans les services de médecine générale, de gynécologie et de chirurgie. Des postes que les médecins marocains bouderaient depuis des années malgré les appels du pied récurrents du ministère de la Santé.
Devant les parlementaires, le ministre PPS de la Santé, Anas Doukkali, a confirmé ce « recrutement particulier« , ajoutant qu’il s’agit là d’un dispositif qui risque d’être élargi à d’autres régions du pays et à d’autres nationalités de médecins étrangers.
« La priorité sera toutefois accordée aux médecins marocains. Si nous ne parvenons pas à atteindre nos objectifs, le dispositif sera en effet élargi. Le ministère de la Santé appelle régulièrement les médecins marocains à pourvoir les postes vacants à Tata, mais ces derniers refusent d’exercer dans certaines régions reculées du pays« , assure le directeur d’un centre de soins de la région de Tata requérant l’anonymat.
Une autre explication est l’effet de cannibalisation qu’exerce le secteur privé, les cliniques absorbant 53% des médecins formés par l’Etat aux frais du contribuable.
Praticiens chinois à la rescousse
Afin de pallier le manque de personnel médical, le Maroc a aussi trouvé en la Chine un interlocuteur privilégié, les praticiens du pays de Xi Jinping étant les plus présents au Maroc. Depuis 1975, plus de 1.700 médecins bénévoles chinois ont défilé dans les hôpitaux publics marocains, et plus particulièrement, dans les régions les plus reculées.
La 165e mission médicale chinoise, composée de 30 praticiens, a terminé son séjour au Maroc fin 2017, après deux années d’activité dans les villes de Taza, Agadir et Chefchaouen. 12 nouveaux médecins sont déjà sur place à Taza pour poursuivre la mission de leurs compatriotes partants. Au total, environ 80 médecins bénévoles chinois exercent actuellement dans 8 villes, selon une source de l’ambassade de Chine.
Avec 9 facultés de médecine, 7 publiques et 2 privées, pourquoi le Maroc n’arrive-t-il pas à être autosuffisant ? Le manque de personnel médical proviendrait d’un choix personnel, confie Anouar Rizq, étudiant en médecine à la faculté de Casablanca. « Après 14 années d’études, nous serons affectés dans des régions lointaines avec un salaire indécent et des conditions de travail qui le sont encore plus », déplore-t-il.
Pour le jeune homme, le choix de l’Etat d’avoir recours à des étrangers est compréhensible, mais pas au point de le pousser lui-même à songer à une affectation dans un lieu éloigné. « Pour les futurs praticiens qui n’auront pas les moyens financiers pour ouvrir un cabinet ou n’arrivent pas à intégrer le secteur privé, le choix de s’exiler en France sera alors le seul moyen de garantir leur avenir professionnel dans des conditions décentes. Il n’y a qu’à voir les forums d’expatriés, ils pullulent de médecins marocains en quête de nouveaux horizons« , dramatise Anouar.
Chiffre intéressant: le Maroc est le 3e pourvoyeur hors Union européenne de médecins pour la France. Au 1er janvier 2017, sur les 26.805 médecins titulaires d’un diplôme de médecins obtenu à l’étranger, 9% sont marocains, selon le Conseil national de l’ordre des médecins français (CNOM).
L’ancien ministre de la Santé, El Hossaine Louardi, avait bien tenté de forcer le recrutement dans des zones éloignées, mais son initiative de « service médical obligatoire » s’était heurtée à une virulente contestation des étudiants médecins qui ont fini par réussir à enterrer le projet.
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