Depuis l’arrestation de Taoufik Bouachrine le 23 février 2018 dans les locaux d’Akhbar Al Yaoum à Casablanca, l’avocat Abdessamad Idrissi n’a pas hésité « une seconde » à voler au secours du journaliste, aujourd’hui accusé de « traite d’être humain« , « viol« , et « agressions sexuelles« .
C’est que l’avocat, membre du secrétariat général du PJD, se présente comme un « ami de longue date » du journaliste et il ne s’en cache pas. « Je connais Taoufik Bouachrine depuis qu’il animait des ‘halakiyate’ à la faculté. Depuis, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt son évolution« , a-t-il confié le 12 avril dernier devant le juge Bouchaïb Farih.
Il soutient son propos en affirmant qu' »aujourd’hui, c’est un des meilleurs éditorialistes du pays. Et contrairement à ce que certains colportent, ce n’est pas une plume islamiste, mais une plume de tous les Marocains. Car c’est un journaliste qui n’hésite pas à dénoncer et critiquer les instances politiques et économiques dirigeantes« .
Au-delà de l’amitié qui lie les deux hommes, Me Idrissi nous précise que « le caractère exceptionnel de l’affaire » a également pesé dans sa décision de défendre Bouachrine.
Le style Idrissi : calme et déclarations-chocs
Membre du secrétariat général du parti à la lampe, Abdessamad Idrissi balaie d’un revers de main l’idée que sa défense soit une forme de soutien de son parti au journaliste que l’on dit proche du PJD et des Frères musulmans. « Ce n’est pas parce que je suis un cadre du PJD que je défends Taoufik Bouachrine. C’est par conviction que je le fais« , tranche-t-il.
Mohamed Yatim, cador du parti et ministre de l’Emploi, abonde dans le même sens. « Qu’Abdessamad Idrissi défende le journaliste Bouachrine est son droit, mais cela n’exprime en aucun cas une position officielle ou officieuse du parti. Le PJD n’a pas pris parti dans l’affaire Bouachrine, car ce dossier est entre les mains de la justice « .
D’un tempérament habituellement calme lors du procès, Me Idrissi a marqué l’audience du 12 avril par une longue plaidoirie, plus intime que pénale, et par des déclarations-chocs.
Il affirme par exemple que le journaliste a reçu un appel le prévenant de son arrestation et des accusations qui seraient portées contre lui plus tard. Il assure détenir des preuves qui corroborent ses propos.
« C’est un avocat qui défend avec hargne et un peu trop de passion ses dossiers« , commente un avocat de la partie civile. « Mais qui d’entre les avocats ne le fait pas? Après tout le style, c’est l’homme« , philosophe-t-il.
Le nouvel avocat officiel du PJD ?
Avant d’être mis sous les projecteurs de l’affaire Bouachrine, le président des avocats du PJD a depuis peu pris en charge différents dossiers de droit pénal impliquant pour la plupart d’entre eux des membres de son parti. C’est le cas avec le procès d’Aboubakr Belkora, l’ancien maire de Meknès. Révoqué en 2008, puis poursuivi en justice pour entre autres « dilapidation de deniers publics« , Belkora a été acquitté neuf ans plus tard.
Abdessamad Idrissi a également défendu les huit jeunes du PJD qui s’étaient réjouis sur les réseaux sociaux de l’assassinat de l’ambassadeur russe à Ankara en 2016. Ils ont été condamnés d’un à deux ans de prison ferme pour « apologie du terrorisme« .
L’avocat a aussi accompagné Abelali Hamieddine, un autre proche de Bouachrine, lors de son interrogatoire par le juge d’instruction de la cour d’appel de Fès en mars dernier dans l’affaire du militant de gauche Benaïssa Aït El Jid, assassiné en 1993. « Je serais prétentieux de dire que je suis l’avocat officiel du PJD, mais il est vrai que la plupart des affaires pénales, que j’ai défendues, concernaient des militants du parti « , concède ce natif d’El Jorf (dans la province d’Errachidia).
Il faut dire que le pénal est un exercice nouveau pour Abdessamad Idrissi qui depuis son admission au barreau de Meknès en 2008, ne traite que des dossiers relatifs au droit de la famille, au droit du travail ou encore au droit des affaires, des contrats, et des sociétés commerciales. « C’est ma fibre militante qui m’a poussé à accepter des dossiers au pénal« , explique-t-il.
Au commencement fut le MUR
Sa fibre militante islamiste, il l’a développée dans les années 1990 en intégrant la branche locale de l’Alliance du futur islamique (Rabita Al Moustakbal Al Islami). À l’époque, la petite localité était dominée par la gauche, mais l’alliance y était « active« , se souvient Abdessamad Idrissi.
« Je viens d’une famille apolitique et finalement, c’est un peu grâce à mes copains que je me suis retrouvé à faire de l’associatif puis de la politique« , confie Idrissi.
Il suivra ensuite un parcours sans faute et sans vagues dans les arcanes du Mouvement pour l’unicité et la réforme (MUR) à la faculté de droit à l’université Moulay Ismaïl de Meknès, puis au sein des instances locales puis nationales sous les couleurs du PJD.
Plusieurs cadres du parti le décrivent comme « prometteur » et « courageux« , notamment pour ses positions pro-Benkirane. On disait Abdessamad Idrissi proche de l’ancien chef du gouvernement avant qu’il ne vote contre un troisième mandat de ce dernier à la tête du PJD. « Je n’ai pas fait de putsch contre Benkirane, j’ai juste exprimé mes opinions« , se défend l’intéressé. « Je n’ai jamais été proche d’une personnalité en particulier au sein du parti. Je les respecte tous« , conclut l’avocat.
Bio express
1977 : Nait à El Jorf
1996 : Rejoint le mouvement unicité et réforme
2002 : S’encarte officiellement au PJD
2003 : Obtient sa licence de droit à l’université Moulay Ismaïl de Meknès.
2011 : Elu député PJD
2018 : Défend Taoufik Bouachrine
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