El Othmani, un an après: des promesses et un début de mandat marqué par la contestation

Le gouvernement El Othmani présentera dans les prochains jours son bilan après un an d'exercice. Le deuxième du genre après celui dressé en septembre 2017, intitulé "120 jours. 120 mesures". Aperçu des axes clés.

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Saad-Eddine El Othmani, chef du gouvernement Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

Saad Eddine El Othmani veut marquer la date. En collaboration avec son cabinet et son ministre chargé des Relations avec le parlement , il planche sur la synthèse d’un an d’action gouvernementale (il a débuté son mandat le 5 avril dernier). Ce sera dans le cadre d’une « campagne communicationnelle » qui débutera par un exposé le 18 avril à la faculté des sciences économiques, juridiques et sociales d’Agdal à Rabat.

Le 11 septembre dernier déjà, celui qui préside désormais aux destinées du PJD avait tenu à « défendre le bilan positif » de son gouvernement, tout en assurant vouloir « s’inscrire dans la continuité des réformes » amorcées par son prédécesseur, Abdelilah Benkirane.

Entre « blocage gouvernemental » et mouvements contestataires

Le gouvernement El Othmani a pris ses fonctions dans une atmosphère politique tendue. Au lendemain d’un  » blocage gouvernemental  » qui a duré six mois, l’Exécutif nouvellement nommé devait faire face au mouvement de contestation né à Al Hoceima, six mois plutôt également.

Tout en reconnaissant la légitimité des revendications sociales accentuées par les retards d’exécution du mégaprojet  » Manarat Al Moutawassit« , le gouvernement avait choisi de dénoncer « l’instrumentalisation du mouvement de contestation » rifain. C’était en marge de la réunion tenue le 14 mai entre le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit et les partis de la majorité.

Accusés d’avoir « bénéficié de financements étrangers » et de « porter des revendications séparatistes« , les manifestants d’Al Hoceima et de sa province multiplieront les formes de contestations malgré la visite effectuée par une importante délégation gouvernementale le 22 mai.

Mais le mouvement dit « pacifique » d’Al Hoceima prendra une autre tournure. Interrompant le prêche de l’imam d’une mosquée d’Al Hoceima évoquant la « fitna«   (la « zizanie »), le leader Nasser Zafzafi sera arrêté et poursuivi pour différents chefs d’accusation dans un procès toujours en cours. Il en sera de même pour d’autres manifestants dont le nombre est estimé entre 160 et 210, en l’absence de chiffres officiels du ministère de l’Intérieur.

Durant cette première année de mandat, le gouvernement El Othmani a eu à gérer d’autres crises sociales de différentes ampleurs. C’est le cas des manifestations dans la province de Zagora (sud-est), liées à la raréfaction des ressources hydriques.

Des tensions ont également été constatées dans la province de Missour, et notamment dans la ville d’Outat El Haj, où les habitants ont dénoncé la « médiocre qualité des services de santé« .

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Enfin, les protestations qui ont éclaté dans la cité minière de Jerada ont particulièrement cristallisé l’attention de l’opinion publique. La grogne populaire s’est manifestée à la suite du décès de deux mineurs dans un puits clandestin de charbon fin 2017. Elle a été accentuée par la mort d’un troisième mineur courant février 2018.

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Après la visite de trois délégations gouvernementales, dont une présidée par El Othmani à Oujda, la situation reste tendue. Des arrestations ont également eu lieu dans cette localité après des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.

Des mesures économiques en attente de résultats

Tout au long de ces 12 premiers mois du mandat d’El Othmani, les responsables gouvernementaux ont défendu l’idée d’un Exécutif qui s’active à concrétiser un certain nombre de mesures contenues dans le programme de la majorité.

Au premier plan, la  » poursuite des efforts publics dans l’investissement » et l' »attraction des investissements étrangers« . Les autres enjeux concernent la poursuite de la mise en œuvre des stratégies et programmes sectoriels dans un certain nombre de domaines, et l’adoption du Programme exécutif de 2017 sur le développement rural et la lutte contre les disparités entre régions.

Côté industries, le gouvernement se targue d’avoir lancé le chantier de l’usine du groupe Peugeot-Citroën à Kénitra. Une fabrique devant créer plus de 1.500 emplois.

Par ailleurs le Groupe Faurecia qui développe des composants et équipements pour constructeurs automobiles, entend consolider la vocation industrielle de la zone offshore de Kénitra avec l’objectif d’embaucher 1.300 salariés.

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Dans ce même contexte, la primature met en évidence la validation par la Commission nationale de l’investissement de « plus de 50 protocoles d’accords » pour un investissement global estimé à près de 67 milliards de dirhams.

Des investissements qui touchent particulièrement le secteur aéronautique, automobile, touristique en plus de l’énergie. Toujours selon les chiffres de cette commission, les projets qui verront le jour créeront 14.230 emplois directs. La contrepartie de ces « efforts d’investissement » a été d’exonérer de l’impôt sur les sociétés (IS) les entreprises nouvellement créées, pour une période de 5 ans.

Le « paquet » sur l’emploi

En termes d’emploi, le gouvernement assure vouloir adopter les orientations fondamentales de sa politique. Des mécanismes alliant les conditions d’éducation, et de formation aux exigences du marché du travail.

Pour y parvenir, des programmes de recrutement ont vu le jour. La Loi de finances 2018 prévoit notamment l’embauche de 23.000 fonctionnaires. Il faut ajouter à cela le recrutement par contrat de 24.000 enseignants. Une première dans le Royaume.

En plus de ces engagements, des mesures ont également été prises afin d’exonérer les entreprises des indemnisations aux doctorants et chercheurs. Ces exonérations sur l’import sur revenu (IR) sont de l’ordre de 6.000 dirhams par mois, durant 2 ans. La mesure entend « encourager et maintenir les emplois dans des projets liés à la recherche et à l’innovation« , expliquait le porte-parole du gouvernement Mustapha Khalfi.

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L’autre mesure avancée par l’Exécutif concerne l’annulation de l’obligation d’enregistrement pour une période de 6 mois à l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi et les compétences (ANAPEC). Objectif : bénéficier des exonérations sociales et fiscales dans les contrats de préembauche. Une « faveur » qui devra permettre d’ « augmenter les chances d’intégration des jeunes dans le marché du travail« .

Dans un autre registre toujours lié à l’emploi, la majorité gouvernementale s’est félicitée d’avoir (finalement) réussi à promulguer la loi sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

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Santé, un secteur malade

Dans différentes déclarations, Saad Eddine El Othmani insistait sur la « dimension sociale » de son programme gouvernementale. « L’éducation, l’emploi et la santé sont les trois priorités de ce gouvernement« , a-t-il affirmé à de nombreuses reprises.

Pourtant, la santé est l’un des parents pauvres des politiques publiques. Pour y remédier, le ministère de tutelle assure avoir « réduit les prix de 135 produits pharmaceutiques« , tout en instaurant une politique sanitaire qui facilite aux citoyens l’accès aux médicaments et au matériel de santé.

Le gouvernement met en évidence « l’effort consenti » notamment au niveau des médicaments contre le cancer, dont les prix « ont chuté de 19%« . Il cite également les médicaments pour réduire la proportion de cholestérol les les prix sont en  » baisse de 45%« , en plus des médicaments liés aux maladies du système digestif (« baisse de 19% »).

Côté législation, la loi promulguée sur la couverture de santé des professions indépendantes ambitionne de mettre à contribution près de 10 millions de personnes. Au niveau des infrastructures, le porte-parole du gouvernement a annoncé l’ouverture de 6 centres hospitaliers à Azrou, Errich, Mediouna, Jerada, Laâyoune Charkia et Mediouna.

Les chantiers de deux nouveaux hôpitaux à Tinghir et à Imintanoute ont été lancés durant ce même mandat. Enfin, et pour combler le gouffre en termes de santé mentale et psychologique, un hôpital a été inauguré à Kelaat Seraghna, chef-lieu de la province qui abritait l’un des plus vieux et tristement célèbres asiles psychiatriques au Maroc: le mausolée de Bouya Omar, fermé durant le mandat de Benkirane.

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