Selon les données 2014 de l’HCP, 71,5% des personnes à incapacité totale n’ont aucun niveau d’instruction. Moins d’un quart ont atteint le niveau primaire, 8% le secondaire et 1,2% le supérieur. Les défis de politique publique sont majeurs pour inclure ces personnes en situation de handicap dans les universités. Des problématiques – entre autres – discutées lors du colloque sur « L’inclusion des personnes en situation de handicap : Quels défis pour les politiques publiques ? », les 18 et 19 décembre à l’université Cadi Ayyad de Marrakech. Samia Berrada Hmima, secrétaire Général de Réseau des universités marocaines pour l’enseignement inclusif (RUMI) et représentante de l’université Cadi Ayyad, est intervenue pour discuter de la sensibilisation aux droits des personnes handicapées, afin de faire évoluer les attitude et les perceptions.
Vous êtes la secrétaire générale de RUMI. Quel bilan dressez-vous de la situation des étudiants en situation de handicap au Maroc ?
Lors du colloque, une comparaison a été faite avec la Belgique. Ce pays a déjà développé des moyens de sensibilisation et a tout accompli pour assurer l’accessibilité de l’université aux étudiants en situation de handicap. Le Maroc est en revanche au début du chemin. C’est en cours, il y a une réelle volonté…
Qu’est ce qu’il faut améliorer d’urgence ?
La volonté et de l’engagement sont là, mais il nous faut maintenant des moyens pour passer à l’action et changer les mentalités. Il faut sensibiliser les universités au niveau des directions mais aussi des professeurs et des autres étudiants.
Comment travaillez-vous au niveau de votre université pour faire cette sensibilisation ?
Nous sommes quatre dans un comité pour travailler à la sensibilisation et à l’encadrement pédagogique, pas seulement pour les étudiants en situation de handicap, mais aussi pour ceux qui sont dans une précarité socio-économique, les étrangers et les personnes discriminées par leur genre. La complexité du handicap au Maroc est que la majorité des étudiants sont aussi dans une marginalité socio-économique. Il y a moins d’un an, nous avons créé un club à Cadi Ayyad où des étudiants en situation de handicap travaillent sur des applications pour la lecture des non-voyants. Nous avons aussi investi dans des machines destinées aux non-voyants pour imprimer leurs documents en braille. Cela reste insuffisant. Nous étions en avance par rapport à d’autres établissements sur la question du handicap mais du matériel est aussi distribué ailleurs. Maintenant, la question est de savoir à quelle vitesse l’Etat va agir, c’est important d’avoir l’appui institutionnel car les associations ne peuvent pas se substituer à l’Etat.
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Dans votre université, combien d’étudiants sont en situation de handicap ?
Nous voulions faire un recensement pour connaitre les besoins des étudiants. Mais beaucoup ne déclarent pas leur handicap par peur de discrimination. Nous essayons de leur expliquer qu’ils doivent nous communiquer leurs besoins car ce sont leurs droits, et non pas des faveurs. C’est la même chose pour les enseignants.
Comment se ressent la discrimination ?
Des jeunes ont la volonté d’étudier mais ils se disent qu’ils n’ont pas le droit à certaines disciplines comme la médecine, l’ingénierie, etc. Pour contrer ces préjugés, nous avons essayé de ramener des personnes compétentes en situation de handicap à l’université pour qu’elles partagent leur expérience. Certaines ont surmonté leurs difficultés, comme un kinésithérapeute non-voyant qui a su développer sa spécificité et d’autres sens grâce à son handicap. Des volontaires accompagnent les non-voyants et personnes à mobilité réduite. Cela n’est pas assez et généralisé, il faut un véritable changement de mentalités pour que ces personnes ne soient plus considérés comme une minorité.
Comment faites-vous pour que les élèves de lycée passent jusqu’à l’université ?
Un étudiant a expliqué que c’était compliqué de passer d’un établissement spécialisé à une université avec pleins d’étudiants venant d’un cursus classique. Sur des milliers d’étudiants, il a réussi à avoir 3 ou 4 amis avec difficulté mais ils l’ont aidé. J’ai travaillé plusieurs fois avec les établissements de lycée car il ne faut pas casser la chaîne de l’éducation. Il y a déjà très peu d’enfants en situation de handicap qui vont jusqu’au collège. A peine 5% atteignent l’université. La différence est grande entre les filles et les garçons. Surtout, ils ne vont pas dans les établissements d’ingénierie ou de médecine, mais en grande majorité en faculté de droit et de lettres. Cela concerne tout le royaume, selon une étude nationale que nous avons réalisé à RUMI. Notre objectif est donc de rendre l’enseignement inclusif.
Comment se passe l’intégration sur le marché du travail une fois les études terminées ?
Nous n’avons pas encore travaillé sur cette question, car c’est très difficile. Il faut une coordination au niveau des régions pour sensibiliser les employeurs et les entreprises. Nous travaillons au niveau de l’université, mais il faut résoudre aussi le problème depuis le primaire, durant toute la scolarisation où le conseil de la ville doit s’occuper de l’accessibilité et des transports. Puis il faut travailler avec l’Anapec, les employeurs et entreprises. Tous les acteurs au niveau régional doivent se réunir.
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