Handicapée de naissance, l’artiste Karima Moutii peint quotidiennement des tableaux dans des styles variés. Son parcours incarne à lui seul un véritable message d’espoir et d’optimisme.
Pas de bras ni de jambes, mais un talent indescriptible pour la peinture. Dans son modeste appartement familial situé dans quartier de El Falah à Casablanca, Karima passe ses journées dans son atelier. Entre le salon et la salle à manger, la jeune femme de 27 ans produit des tableaux à un rythme effréné.
Entourée de pots de peinture, de toiles et de pinceaux, l’artiste nous fait la démonstration de son talent. Le pinceau bloqué dans ses moignons, elle peaufine les détails de sa dernière oeuvre. Rien ne la ralentie, et certainement pas son handicap. A la voir peindre sourire aux lèvres, on en oublierai même presque son atrophie. « Mon handicap ne m’empêche pas de rêver. Je suis née avec et je remercie Dieu. Je m’accepte comme je suis », résume-t-elle avec fierté.
Artiste auto-entrepreneuse
Karima a commencé à peindre « dès son plus jeune âge ». Si elle reconnaît une appétence pour l’art figuratif, l’artiste touche à tous les styles. Impressionniste, abstrait… Elle sait varier les plaisirs. Une passion entretenue par son entourage, à commencer par sa famille qui apprécie quotidiennement « sa plus belle oeuvre » accrochée dans le salon : un tableau de style abstrait, aux couleurs vives et pétillantes, comme Karima.. « Celui-là, impossible de le vendre. Ma famille a craqué dessus. Moi même j’en suis particulièrement fière » sourit-elle.
Si l’artiste conserve ses « coups de coeurs », commercialiser ses oeuvres demeure l’un de ses principaux objectifs :
J’essaie de vendre mes tableaux sur internet, ou bien dans des expositions collectives organisées par des associations. La plupart des gens apprécient mon travail, mais les acheteurs sont rares. A terme, j’aimerais organiser ma propre exposition pour gagner en visibilité et tirer un vrai revenu.
Karima Moutii
Généralement, l’artiste vend ses tableaux aux alentours de 500 dhs. « La plupart sont commercialisés via Facebook. J’ai essayé des sites d’annonces type Avito mais ça n’a porté ses fruits », regrette-t-elle. Si ces prix peuvent augmenter lors d’expositions collectives, la plupart des fonds sont reversés aux organisateurs. Pour le reste, Karima se finance elle même. Une difficulté qui, à l’instar de son handicap, ne l’empêche pas de réaliser ses rêves : « Je crée moi même mes propres toiles en achetant le tissu, puis en collant sur le cadre. Ceux qui sont déjà montés sont trop chers pour moi… » déplore-t-elle. Sa palette de peinture ? Un morceau de plastique, qu’elle plie pour conserver les pigments afin de les réutiliser. Un moyen pour elle d’allier économie et productivité.
« Je n’attends pas que quelqu’un m’aide »
Autonome dans son art, Karima affirme également son indépendance dans les tâches quotidiennes. « Je me réveille, m’habille, fais ma prière, enfile mon foulard toute seule. Je me déplace seule chez moi. Mon handicap ne me cause pas de problème, je n’attends pas que quelqu’un m’aide. Au contraire, parfois c’est moi qui vient en aide à ma famille. », assure-telle.
Loin de l’image accablante que peut susciter son handicap, elle s’affirme comme une femme coquette, épanouie et optimiste. Pour autant, difficile de faire l’impasse sur certaines difficultés :
Je fais moi même les courses pour la peinture ou la menuiserie des tableaux. Mais il n’y a aucune facilité de transport pour les handicapés. Cette situation me dégoute autant qu’elle me décourage. J’ai parfois abandonné l’idée de me rendre à certaines exposition à cause de ce problème. Il faut attendre le taxi pendant de longs moments, quand il ne refuse pas de prendre des handicapés…
A cause de ces difficultés, Karima a dû arrêter ses études précocement. Si elle déplore cet état de fait, cela lui a permis de dégager plus de temps pour la peinture. Ni son handicap physique, ni les difficultés financières ne peuvent donc ralentir sa frénésie créatrice. Prochaine étape : l’autosuffisance financière, grâce à l’art. Une passion qui met des couleurs dans sa vie, et offre de l’espoir dans celle des autres.
Reportage : Soundous Rahrbaoui, Cyril Castelliti.
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