Le jardin du Ritz fait salle comble. Femmes, hommes, jeunes et moins jeunes sont assis autour de tables rondes couvertes de draps blancs. Tous sont venus saluer la mémoire de la sociologue marocaine Fatéma Mernissi, qui s’est éteinte à Rabat le 30 novembre 2015.
Avec elle, s’éteint « son rire, son charisme et la hardiesse de ses propos« , comme il est écrit, à juste titre, sur la quatrième de couverture de son livre « Le Harem politique: le prophète et les femmes », réédité pour l’occasion en collection « poche » – pour la première fois au Maroc – par la maison d’édition Le Fennec, initiatrice de la rencontre.
Pensé pour rendre hommage à l’écrivaine prolifique qu’était Fatéma Mernissi, l’évènement était aussi l’occasion de célébrer le trentième anniversaire de la création des éditions Le Fennec.
Leila Chaouni, sa fondatrice, nous déclare que « la traduction arabe de ‘Sexe, idéologie et islam’ a été publiée en 1987. C’est dire que feue Fatéma Mernissi nous a non seulement accompagnée depuis nos débuts, mais qu’elle nous a fait confiance alors que nous apprenions notre métier d’éditeur« .
Quel meilleur hommage aurait pu être rendu à cette figure incontournable que de poursuivre dans l’esprit de débat qui a caractérisé son parcours? Qui de mieux pour honorer la « Diva des sociologues marocaines » que les jeunes qui étaient le credo de son engagement et de ses combats? En guise de réponse, le thème choisi pour la soirée-hommage était « Fatéma Mernissi, à l’épreuve du temps : ce qu’en pensent les jeunes« .
La sociologue était partout: portraits, diaporama, tapis en son nom, livres en arabe comme en français disponibles à la vente ou pour consultation… Le débat intergénérationnel est animé par Mélanie Frerichs-Cigli.
« Une lecture, deux relectures, pour reconnaître que la Diva était une féministe qui a changé le Maroc avec ses idées« , annonce d’emblée une jeune fille de 15 ans. Un autre, du même âge, confie avoir pris goût à la lecture à travers un livre de la sociologue marocaine.
Une jeune femme, pas trop attachée aux essais, témoigne de sa réconciliation avec ce genre littéraire après la lecture d’un essai de Mernissi. Plus engagé, un jeune étudiant, du haut de ses 19 ans, veut introduire son oeuvre à l’école. « Fatéma Mernissi n’est pas qu’une écrivaine que l’on retrouve dans la libraire du coin. Elle doit être enseignée à l’école« , argumente-t-il.
Après ces jeunes qui ont lu Fatéma Mernissi, c’est au tour de ceux qui l’ont côtoyée de prendre la parole. Parmi eux, des membres de la Chaire Fatéma Mernissi, créée par HEM et l’Université Mohammed V, Driss Ksikes, Nouzha Skalli ou encore Aicha Ech-Chenna . Ils ont raconté des histoires révélant les multiples facettes de cette voix essentielle des débats sur l’islam et les femmes.
« Fatéma Mernissi a ramené l’université chez elle« , nous confie Fatna Elbouih. Pour l’écrivaine, la sociologue a contribué à sa façon à la démocratisation du savoir à travers « le changement du lieu du savoir, dans un espace où les gens peuvent bénéficier des connaissances, sans un certificat ou une inscription, mais par envie et intérêt« .
Si cette rencontre-débat intergénérationnelle a eu un mérite, c’est surtout celui de concrétiser les valeurs de « transmission » que Fatéma Mernissi a défendu corps et âme dans ses livres, ses déclarations et ses combats quotidiens.
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