Zakaria Boualem et la victoire du Maroc face à la France au Mondial

Par Réda Allali

Zakaria Boualem est épuisé. Il a passé une nuit très agitée, perturbée par un rêve des plus singuliers qu’il va vous raconter ici même, sans plus de formalités. Voici l’affaire : le Maroc affronte la France en Coupe du Monde, c’est un match à élimination directe et le valeureux Fayçal Fajr, dans les dernières minutes de jeu, égalise d’un coup franc de maître. Il effectue alors une célébration non laïque et, dans l’euphorie générale, nous finissons par éliminer les Bleus aux tirs aux buts. Le Maroc bascule dans le grand n’importe quoi, mais ce n’est pas l’objet du rêve. Non, le Guercifi, dans son inconscient tourmenté, a imaginé ce qui se passerait en France si un tel bonheur venait à s’abattre sur nos têtes. Voici la suite, donc.

Dès le dernier penalty, les Champs Elysées sont envahis par une horde de supporters, festoyant sans vergogne le drapeau rouge et vert à la main. Marine Le Pen propose aussitôt de les déchoir de leur nationalité. Elle est doublée par Manuel Valls qui explique sur les plateaux télé qu’il faut tous les ficher S sans plus attendre, tout comme Fayçal Fajr, qu’il a toujours trouvé louche et qui, par ailleurs, n’a pas chanté La Marseillaise au début du match. Ramené à la raison par le présentateur, il affirme alors qu’il se contentera d’une expulsion massive de tous ceux qui se sont réjouis chez eux au moment du but, avouant au passage que tout le monde est filmé en permanence. Un expert en terrorisme qui traînait par là est invité à se prononcer sur cette affaire et il annonce qu’il faut s’attendre à une revendication des débiles du Levant pour cet attentat sportif. Il exhibe une photo de Boussoufa priant dans une mosquée en djellaba comme preuve ultime de sa radicalisation express.

A peine trois heures après le coup de sifflet final, Dieudonné annonce son nouveau spectacle, intitulé sobrement “le match”, interdit avant même la première représentation, sur la base d’une affiche où on le voit poser avec un maillot de notre équipe nationale en position quenelle. Dans le même temps, Bernard-Henry Lévy ouvre deux fenêtres sur son ordinateur. Dans la première, il booste la mise en vente de ses palais de Tanger et de Marrakech, et dans la seconde, il rédige une tribune enflammée où il est question d’envoyer l’armée de l’air française pour démocratiser le Maroc. Un peu plus tard dans la soirée, Alain Finkielkraut coule une bielle lors d’un débat télévisé, il se dénude intégralement et agresse un interlocuteur, accusé de lui avoir coupé la parole. Son propos est décousu, mais on comprend qu’il est question d’antisémitisme. Il est évacué du plateau télé au moment où il accuse les défenseurs de l’équipe de France de complicité avec le fascisme islamique, à cause d’un marquage un peu lâche sur Amrabat. Il exige que Adil Rami se désolidarise, on ne sait pas très bien de quoi. Ce n’est pas tout.

Karim Benzema se fend d’un tweet des plus laconiques. Un simple “krkrkrkrkrk”, liké à vive allure par Hatem Benarfa, Samir Nasri et Frank Ribéry, qui va déclencher une secousse tellurique dans les réseaux sociaux. C’est ensuite un maelström de commentaires où il est question d’identité nationale, de laïcité et de sextape. Les serveurs Facebook français fondent littéralement sous la masse des polémiques, engendrant une panne sans précédent dans l’histoire de l’informatique. La France est coupée du monde, et seules les chaînes d’info en continu poursuivent vaillamment leurs émissions sur les prières de rue, la nourriture halal et la dérive islamiste du football. C’est à cet instant que Zakaria Boualem s’est réveillé, un peu sonné, en se demandant quel esprit malin avait pris possession de son cerveau durant son sommeil. Il a aussitôt couché sur papier son rêve, c’est ainsi qu’il a pu mesurer la puissance de son délire. Car il est bien évident que ce qu’il a imaginé est impossible, puisque Fayçal Fajr ne sera pas titulaire en Coupe du Monde, dans le 4/2/3/1 concocté par Renard. C’est tout pour la semaine, et merci.