Khalid Naciri : “Nos ministres ne sont pas coupables de forfaiture”

L’ancien ministre de la Communication, membre du bureau politique du PPS, commente le limogeage royal de deux ministres de son parti et évoque l’avenir de la formation.

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De g.à droite: Souhail, Othmani, Benabdellah et Naciri. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Membre du bureau politique du Parti du progrès et du socialisme (PPS) et ancien ministre, Khalid Naciri fait partie des dirigeants qui ont décidé de s’en remettre au comité central du parti pour trancher la sortie ou non de l’ancien parti communiste de la coalition gouvernementale. Seul parti à avoir produit un communiqué en réponse aux limogeages royaux, le PPS défend ses ministres tout en reconnaissant leur responsabilité. Un jeu d’équilibriste difficile, dans un contexte politique chamboulé par le grand pied dans la fourmilière opéré par Mohammed VI. Que fera le PPS ? Va-t-il se maintenir dans la coalition, et aussi, va-t-il maintenir Benabdellah à sa tête malgré son limogeage ? Interview.

Telquel.ma : La réunion du PPS a pris sept heures sans déboucher sur une décision de retrait ou de maintien au gouvernement. Qu’attendez-vous pour trancher ?

Khalid Naciri : Si la question avait été posée devant le comité central, il aurait tranché immédiatement. Nous mettons en avant notre qualité de parti qui a des structures démocratiques et des statuts qui sont particulièrement clairs. La question de la participation ou non du parti au gouvernement est une prérogative du comité central. Nous ne nous arrogeons pas une prérogative d’une autre instance. Nous avons décidé, compte tenu du contexte, de convoquer une réunion le plus vite possible c’est-à-dire samedi prochain (le 4 novembre, NDLR). Nous poserons la question avec toute la franchise et la clarté nécessaires.

Y a-t-il eu un contact avec le chef du gouvernement ?

Il faut poser la question au principal concerné, le secrétaire général qui est en même temps concerné par la décision de congédiement, Nabil Benabdellah.

Quels sont les scénarios ?

Nous n’avons pas discuté de ce détail précis. Nous avons procédé à une analyse globale. L’essentiel pour nous était de mettre en avant le fait que nous travaillons dans un cadre institutionnel balisé, fondé sur un texte constitutionnel de consensus. Pour nous, il était important de continuer à mettre notre intervention dans le champ constitutionnel dans ce contexte. Il n’était pas question de trancher pour savoir si le bureau politique veut rester ou quitter le gouvernement. Cela va plus loin et concerne notre approche vis-à-vis des institutions.

Votre communiqué d’hier semble courageux, dans le sens où vous estimez que vos ministres ont fait du bon travail, alors même que la plupart des responsables ont plutôt courbé le dos…

Ce n’est pas une question de courage, mais de constat. Nos deux ministres congédiés (Nabil Benabellah et El Houssaine Louardi, NDLR) ont donné des explications au bureau politique qui montrent leur bonne foi. Ils ne sauraient être perçus comme responsables d’une forfaiture. Jamais. Une telle démarche ne peut faire partie de l’ADN du PPS. Notre ADN est celui d’un parti fermement attaché aux institutions, à la tête desquelles figure l’institution monarchique.

En d’autres termes, vous voulez dire que ce n’était pas de la défiance à l’égard de l’institution monarchique que de soutenir vos ministres ?

Nous avons tenu à dire que les décisions de Sa Majesté font l’objet de respect et de considération de la part des membres du bureau politique.  C’est une constante chez nous. Nous ne voulons pas que l’on considère notre démarche comme s’inscrivant dans une logique conflictuelle avec la monarchie. Cela ne fait pas partie de notre génome.

En même temps, vous semblez afficher votre indépendance partisane, en comparaison avec d’autres formations qui sont elles aussi concernées…

Notre indépendance est une donnée irréfragable. Le PPS ne peut être utile pour le pays et le devenir démocratique et institutionnel que s’il est indépendant.

Si nous comprenons bien, en cas de pressions pour que vous restiez où que vous quittiez le gouvernement, vous n’allez pas céder ?

Cela dépend de qui elles émanent et de la manière. Il est évident que s’il s’agit d’avis émanant d’institutions pour lesquelles nous avons tout le respect, cet avis sera pris en considération. Il n’est pas question de dire que nous rejetons sans autre forme de procès tous les avis. L’essentiel pour nous est de savoir comment le PPS peut servir son pays et ses institutions.

Si jamais l’on vous signifiait qu’il serait préférable de continuer, vous le feriez ?

Nous allons exposer ces questions avec toute la clarté nécessaire au comité central.

Les ministres ont pu défendre leur gestion du projet de développement d’Al Hoceima, qui leur a valu ce limogeage. Quels étaient leurs arguments ?

Je ne peux pas entrer dans les détails techniques. Ils nous ont précisé qu’ils n’étaient pas du tout dans une logique de blocage ou de forfaiture à l’égard des institutions et des projets, d’autant plus qu’ils sont pris directement en charge par Sa Majesté. Cela relèverait de l’inconscience de la part du PPS que d’avoir un tel comportement. Cela ne saurait se produire.

Mais en même temps, vos ministres sont responsables de la débâcle de ce projet. Il y a quand même un retard, un rapport de la Cour des comptes et une décision royale qui pointe très clairement, et ad hominem, les responsabilités…

Nous prenons en considération les opinions exprimées par Sa Majesté le roi, et qui ne sauraient faire l’objet d’aucune contestation. Il y a pu y avoir des dysfonctionnements et il y a eu indéniablement des retards pour la mise en œuvre du projet Al Hoceima Manarat Al Moutawassit. Mais ça n’a pas été un acte délibéré du PPS.

Nabil Benabdellah pourra-t-il continuer à la tête du parti alors qu’il a été limogé de son poste de ministre par le roi ?

La question ne se pose pas pour l’instant. Nous considérons que notre secrétaire général est en place, car il met en œuvre le programme arrêté par le Congrès, le comité central et le bureau politique du parti. Nous n’avons pas de raison de considérer qu’il y a une défiance personnelle à l’égard du secrétaire général qui est membre d’une direction collégiale.

Quelle sera la suite, indépendamment de la décision de retrait ou de maintien du PPS au sein de la coalition ?

C’est un grand moment politique. Ce que je retiens du communiqué du cabinet royal et des discours de Sa Majesté le roi est que nous avons besoin de mettre de l’ordre notre système de gouvernance, et notre modèle de développement social et économique. Cela ne fait aucun doute.  Nous nous inscrivons dans cette logique. Le PPS est persuadé qu’il faut mettre à jour tout le programme de développement afin qu’il suscite de l’admiration à l’intérieur du Maroc aussi, et non pas seulement à l’extérieur. Cela passe par la mise en place d’une gouvernance politique démocratique moderne, avec une régionalisation qui fonctionne sur le terrain.

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