Devant un parterre de businessmen et de journalistes, Moulay Hafid Elalamy se laisse aller à un exercice étonnant. Intervenant lors du sommet Africa Convergence, le 29 septembre, le ministre de l’Industrie laisse tomber le masque de businessman et se laisse aller à des confidences sur sa vie personnelle, évoquant son adolescence à Marrakech ou encore sa volonté de « soulager » les gens. Pour comprendre la démarche du ministre, il faut revenir quelques mois en arrière.
Nous sommes le 28 juillet. Saham Finances vient de marquer les esprits du milieu de la finance africaine. En rachetant 14% des parts de son concurrent sénégalais Sunu sans l’en avertir. Le groupe marocain détenu par Moulay Hafid Elalamy devient alors le deuxième actionnaire majoritaire avec 21% des parts de l’entreprise présidée par le Franco-Sénégalais Pathé Dione. Ce dernier, contacté par TelQuel, dénonce une « entrée par effraction« de son concurrent marocain.
Ses propos ne sont que l’un des épisodes de la guerre médiatique que se mènent l’entrepreneur franco-sénégalais et le président du groupe Saham. La guerre juridique n’aura pas lieu – l’opération n’est pas illégale -, mais Pathé Dione garde le coup de MHE en travers de la gorge.
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Le premier acte du duel remonte à la diffusion du communiqué de Sunu qui décrit l’achat d’actions par Saham. Les termes utilisés dans cette communication sont inhabituellement durs. L’entreprise martèle que Saham n’est « pas le bienvenu » au sein de l’actionnariat de Sunu et parle même de « hogra » (sic) de la part de l’entreprise marocaine.
La contre-offensive de Pathé Dione se poursuit le 5 septembre, lors de son passage sur le plateau de l’émission « Réussite » diffusée sur Canal+ Afrique. Réagissant à l’acquisition de parts par Saham, l’homme d’affaires franco-sénégalais affirme que l’entreprise marocaine a agi de « mauvaise manière« .
Pourtant, quelques minutes plus tôt, répondant à une question de l’animatrice de l’émission sur l’endettement des entreprises, le businessman franco-sénégalais soutenait que, selon les secteurs d’activité, « une entreprise peut s’endetter […] pour conquérir d’autres marchés, tuer la concurrence« .
Une dizaine de jours après cette sortie médiatique, La Tribune Afrique consacre un article aux « mystérieuses pérégrinations de l’assureur ‘panafricain’ Sunu« . Pas anodin. Le mensuel est la propriété d’Abdelmalek Alaoui, un proche du ministre de l’Industrie, qui est également PDG du cabinet de consulting Guepard Group et du site d’information Huffington Post Maroc. L’article signé par la rédaction de évoque notamment le rachat par Sunu des activités de l’Union des assurances de Paris (UAP) suite à sa fusion avec le géant Axa.
On découvre également que les sociétés Lovett et Lebel, auxquelles on doit la création de Sunu Finances, ont été créées dans un paradis fiscal, au Panama, avant d’être transférées vers un autre, les Iles Vierges Britanniques.
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Faut-il y voir une contre-attaque du président de Saham via un média détenu par un de ses anciens conseillers? « Nous n’avons aucun contrat avec Saham ou le ministère de l’Industrie« , assure Abdelmalek Alaoui, catégorique, précisant que le communiqué incendiaire de Sunu dénonçant l’opération effectuée par Saham a « attiré l’attention de [son] équipe sur l’entreprise« .
Après la publication de cet article, le groupe Sunu a publié un communiqué dans lequel il condamne des « propos diffamatoires » publiés par La Tribune et souhaite avoir un droit de réponse dans les colonnes du mensuel « sous peine de voir l’affaire portée devant les autorités judiciaires compétentes« . Une menace à laquelle Abdelmalek Alaoui répond dans un tweet on ne peut plus clair :
Hâte de retrouver Sunu au tribunal qu'ils s'expliquent sur leur origine mystérieuse. Rappel: ils ont refusé de repondre a nos questions… https://t.co/vz94v1NpTc
— Abdelmalek Alaoui (@Abdelmalekalaou) September 23, 2017
Le troisième et dernier acte de cette guerre des mots se joue lors de la rencontre Africa Convergence organisée par La Tribune Afrique et au cours de laquelle les participants ont alors découvert un autre visage de Moulay Hafid Elalamy. Une volonté du ministre d’adoucir son image devant une audience composée essentiellement de businessmen africains ? « Le journaliste chargé de l’interview [François Chignac, NDLR] voulait angler son entretien sur des sujets personnels et éviter de reparler de Renault et de Peugeot. Moulay Hafid Elalamy et lui se sont mis d’accord sur cet angle près de 20 minutes avant l’entretien », répond Abdelmalek Alaoui. Sincère ou pas, ce serait faire insulte au loup de la finance que d’imaginer que sa sortie n’était pas mesurée.
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