Quand Moulay Hafid Elalamy tombe le masque du ministre businessman

Le moteur de la perte de l'être cher, le spleen d'une vie antérieure plus généreuse, mais aussi la puissance de la passion et l'envie de "donner du sens". Moulay Hafid Elalamy s'est laissé aller aux confidences dans un rare moment de sincérité, loin du tumulte du politico-business.

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Moulay Hafid Elalamy Crédit: Yassine Toumi/TELQUEL

Mais qu’est-ce qui inspire le fondateur de l’empire Saham et actuel ministre de l’Industrie ? « Vous voulez du politiquement correct ou que j’entre dans le fond du sujet ? », lance le ministre homme d’affaires à son interlocuteur, qui l’interpelle sur ses sources d’inspiration. Une sortie rare de MHE, qui s’est laissé aller aux confidences personnelles et aux réflexions philosophiques, révélant ses profondes convictions. Des propos tenus à l’occasion d’une keynote du Forum Africa Convergence organisée vendredi dernier à Casablanca, et relayée par nos confrères du site Le1.ma (voir vidéo en bas de l’article).

Moulay Hafid Elalamy  révèle tout de go s’être « psychanalysé (lui-même) il y a peu de temps ». Il confie alors être orphelin, ayant perdu son père à l’âge de 10 ans. « Cela fait quelque chose a un jeune enfant. On passe notre vie a vouloir démontrer à notre père les valeurs qu’il aurait voulu voir en nous. C’est un vrai moteur pour moi qui m’a permis de surmonter des moments complexes », raconte-t-il, un léger trémolo dans la voix. « Des matins, il m’arrive de me demander si je suis à la hauteur de la mission qui m’est confiée », reconnait-il même.

La voix du Dharma?

L’homme qui est classé parmi les principales fortunes du continent veut « donner un sens à sa vie ». « C’est au-delà de l’argent et du pouvoir », assure-t-il, « tout cela est éphémère et ne donne pas de sens à votre vie. Autour de vous, des gens au pouvoir incommensurable n’ont pas le bonheur, parce qu’il leur manque quelque chose », dit-il encore.

Selon lui, « s’enrichir, cela a une limite ». Il en veut pour preuve cette sagesse : « le soir quand on mange un steak, on est bien. Mais quand on en mange deux, on est malade ». Pour MHE, « l’inspiration est à chercher chez autrui » et non dans le nombre de zéros du compte en banque. Il dit vouloir « être utile à son prochain (…) « soulager » des gens. «  J’aurai aimé être médecin, peut être l’ai-je été dans une vie antérieure ou le serais-je dans une vie future? », s’interroge-t-il.

Spirituel, invoquant peut être inconsciemment ou pas la sagesse bouddhiste, il fait un éloge au renoncement.  « Quand on commence dans la vie, on s’accroche aux choses : ma maison, ma voiture… Ce sont des choses éphémères. Créer des emplois, accompagner des gens pour qu’ils grandissent ce sont des choses qui nourrissent bien plus ».

Symphonie et cacophonie

Nostalgique, MHE raconte son adolescence marrakchie et pense que la société était bien plus généreuse à l’époque. « Je devais avoir 16 ou 17 ans. J’ai vu la façon avec laquelle on gère les relations, qui est très différente d’aujourd’hui. Comme tout has-been, je dis que c’était mieux avant. Parce que le pauvre habitait vraiment collé au riche. Et que la solidarité dans une ruelle quand quelqu’un décède était réelle et forte ». De nos jours, le ministre estime que « la symphonie se transforme en cacophonie, partout dans le monde », faisant un parallèle avec la musique, son autre passion.

Le manager reprend alors le dessus : « Il faut avoir une conviction profonde et foncer tête baissée ». Il raconte ses débuts, quand il a posé les jalons du géant continental qu’est devenu Saham. « J’étais petit assureur au Maroc, puis (la société) a grandit. Elle est devenue la première assurance non-vie pendant 5 ans », se rappelle-t-il. « Mais c’est bizarre, elle n’a bipé sur aucun radar, pourtant le Maroc est un pays qui compte. C’est alors qu’on a décidé de faire une folie, investir dans le contient. Au fil du temps, nous sommes devenus leader panafricain. A ce stade, le leader mondial de l’assurance a pris son avion pour venir au Maroc parler au micro leader ».

Cette réussite fait dire à MHE qu’il faut « avoir une vraie confiance en soi, une capacité de faire et pas de complexes ». Pour le businessman, « l’inspiration peut être dans le quartier, dans la ville, dans le pays, au continent et peut être plus loin ». Il déconseille de « courir après les résultats, les chimères que sont l’argent et le pouvoir ». A contrario, il conseille la passion comme moteur, car c’est ce qui l’inspire : « Quand vous faîtes les choses avec inspiration, on vous suit. Au-delà des mots avec lesquels on communique, il y a des ondes que l’on émet », assure-t-il, de nouveau volontiers philosophe.

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