En héritant du portefeuille des Affaires générales et de la Gouvernance, Lahcen Daoudi ne s’attendait peut-être pas à faire face à une polémique aussi grave, dès les premières semaines de sa prise de fonctions. À peine a-t-il commencé à s’enquérir des dossiers en cours, que celui de la libéralisation du marché des hydrocarbures opérée il y a un peu plus d’une année par l’ancien gouvernement refait surface.
Les distributeurs ont vu leurs marges exploser, profitant d’une libéralisation mal encadrée, au détriment du citoyen à qui le gouvernement avait promis que la réforme n’allait pas impacter son pouvoir d’achat. Or, force est de constater que les opérateurs ont bel et bien augmenté leurs marges, et leurs prix.
Une enquête réalisée par TelQuel a établi chiffres à l’appui que les distributeurs répercutaient systématiquement les hausses des cours internationaux sur les prix à la pompe et qu’ils n’en faisaient pas autant lorsque la tendance était à la baisse. Des soupçons d’entente sur les prix ont même été évoqués à plusieurs reprises notamment par des associations de protection de consommateurs qui ont déposé une plainte au niveau du conseil de la concurrence.
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Pour Lahcen Daoudi, « la responsabilité du gouvernement est totalement engagée« . Cela dit, le ministre ne remet pas en cause la réforme de la libéralisation qui était « nécessaire, car il y avait feu en la demeure« . Mais le gouvernement aurait pu assurer les conditions de marché nécessaires pour que la concurrence joue pleinement son rôle et permette de réduire les prix.
C’est là où la réforme a péché, à en croire le ministre. « Généralement quand il y a concurrence, elle profite aux consommateurs. On n’a pas encore vu cela. Est-ce une période transitoire où chaque opérateur cherche sa position?« , se demande Lahcen Daoudi, qui affirme qu’une enquête est menée pour comprendre le marché, ses spécificités et contrôler qu’il n’y a pas eu d’infraction aux lois.
Le ministre a même convoqué les opérateurs, le 14 juin dernier, pour les interroger sur la situation des prix sur le marché. Au cours de cette réunion, les distributeurs ont présenté leurs arguments. « Ces arguments vont être éprouvés et vérifiés sur le terrain », promet Daoudi. Surtout quand les entreprises affirment que les prix finaux sont fixés par les gérants de stations-service qui représentent « plus de 70 % du marché ». Les entreprises conseillent des prix que les gérants peuvent revoir à la hausse comme à la baisse, ont-ils assuré rejetant ainsi toute responsabilité.
En attendant l’aboutissement des différentes enquêtes, Lahcen Daoudi promet de faire en sorte que les mécanismes de concurrence soient opérationnels. Pour cela, une circulaire est en cours de préparation pour assurer le cadre juridique qui imposera aux opérateurs de communiquer systématiquement aux ministères de tutelle les prix détaillés par ville et par station. « L’information est une arme« , nous déclare Douadi.
« Nous mettrons à la disposition du consommateur une application géolocalisée qui lui permettra d’avoir les prix pratiqués par toutes les stations-service à proximité et il pourra choisir la moins chère« , explique le ministre. Un premier chantier qui sera opérationnel dès septembre prochain.
La décompensation en marche
Alors que le souvenir de la décompensation des hydrocarbures est encore présent et attire au gouvernement les foudres des citoyens, le chantier de la réforme de la caisse de compensation reste une « priorité » pour l’Exécutif, d’après le ministre. En ligne de mire: le gaz butane et le sucre.
Depuis plusieurs semaines, des informations sur une levée imminente des subventions sur le gaz ont refait surface. Qu’en est-il vraiment ? « Aujourd’hui, il n’y a aucune décompensation en cours, car nous n’avons pas encore tous les outils pour le faire », assure Lahcen Daoudi. Pour le ministre, « rien ne sera fait que lorsque le scénario de décompensation sera relativement parfait ». Et ce qui retarde cette réforme c’est bien la problématique du ciblage.
Comment toucher les couches défavorisées et fragiles et continuer à les aider et les soutenir financièrement ? « Nous étions partis sur un ciblage par la facture de consommation d’électricité, mais on s’est vite rendu compte que ça n’allait pas fonctionner, car ça ne fait que définir l’espace et non les personnes« , explique Daoudi, sans nous révéler la piste alternative envisagée par le gouvernement.
C’est désormais le ministère de l’Intérieur qui planche sur cette question de ciblage. « Notre objectif est qu’une partie des consommateurs, ceux appartenant à la couche défavorisée, se sentent gagnants après la décompensation », affirme le ministre. « Le consommateur paie une bonbonne (de gaz, NDLR) 40 dirhams, le gouvernement est prêt à lui verser 100 dirhams », ajoute-t-il.
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