Neila Tazi: le Festival Gnaoua et musiques du monde, une histoire de foi et de résistance

Par La Rédaction

Il y a 20 ans la création de ce festival était un pari audacieux, presque insolent dans un contexte bien différent de celui d’aujourd’hui. Celui d’un Maroc encore enveloppé dans l’engourdissement du passé, avec des traditions festivalières d’un autre temps.

Il y a 20 ans, internet débarquait au Maroc offrant une extraordinaire ouverture sur le monde et sur la diaspora marocaine partout où elle se trouvait. Ce festival était alors pionnier. Pionnier dans la démarche d’offrir un espace de culture gratuit et ouvert à tous, pionnier dans la mise en ligne d’un site web événementiel à travers lequel les Marocains du monde exprimeraient de puissants messages d’encouragements et de solidarité.

Nous prenions alors très vite conscience que l’événement que nous venions de créer allait bien au delà de nos ambitions. Là où nous militions pour créer une dynamique nouvelle et positive, pour faire tomber les barrières et créer de la mixité sociale, trop de décideurs chez nous nous prenaient pour de doux rêveurs.Il y a 20 ans, lorsque nous mettions en avant à travers les Gnaoua notre identité africaine, on ne nous regardait pas toujours avec bienveillance. Cette Afrique que nous sommes aujourd’hui si fiers de revendiquer, dans sa dimension politique et économique, se concrétise enfin dans sa dimension culturelle.

L’avènement du règne de Mohammed VI allait tout changer. Vint alors le printemps de la jeunesse, le printemps culturel, la presse indépendante, la Movida marocaine et tout un mouvement qui aujourd’hui encore transforme notre société. S’élevaient aussi les voix des islamistes, même modérés, qui voyaient en ce festival un lieu de débauche et un danger pour la société.

La jeunesse et la liesse populaire se sont alors exprimées. Les médias aussi, qu’il soient d’ici ou d’ailleurs. Ils ont su voir en ce projet cette porte ouverte sur un Maroc pluriel, moderne, fier et engagé. Puis ce fut au tour du Conseil National des Droits de l’Homme qui a vu dans ce festival un espace qui défend des valeurs de liberté, d’égalité, de diversité, qui donne la parole aux minorités. Et nous sommes fiers de compter cette haute instance parmi les partenaires du festival.

Oui ce festival a une véritable histoire à raconter. Au delà du divertissement, c’est un véritable acte de foi et de résistance !Nous sommes fiers d’être là, ensemble, 20 ans après et nous espérons que nous nous retrouverons encore dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans.Et c’est alors qu‘on pourra dire, comme me l‘a soufflé un jour un ami musicien, « qu’au pays de l’arganier, l’art a gagné »