Ce qu'il faut retenir des trois jours où tout s'est emballé à Al Hoceima

Telquel.ma dresse un récapitulatif des évènements marquants de ces trois derniers jours dans le Rif où la tension est montée d’un cran, à Al Hoceima précisément.

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Crédit: Capture d'écran

Nasser Zefzafi, le leader du mouvement de contestation du Rif, a été arrêté par les autorités ce lundi 29 mai. Une arrestation qui sanctionne trois jours lors desquels la tension a gagné en intensité à Al Hoceima, théâtre d’affrontements entre le Hirak et les autorités. Des évènements qui ont eu un retentissement national, avec l’organisation de manifestations dans tout le royaume.

Intervention controversée

La crise d’Al Hoceima s’amplifie le 26 mai lorsque Nasser Zefzafi interrompt le prêche d’un imam dans la mosquée de la ville. « Lorsque  je suis rentré dans cette mosquée, j’ai entendu parler de fitna [discorde] et d’instabilité […] je suis intervenu, car ces propos ne le concernent que lui [l’imam, NDLR] et non les musulmans », explique Zefzafi dans une vidéo filmée après le prêche, et publiée sur YouTube le le 27 mai.

https://www.youtube.com/watch?v=fcw7ecOWvE4

Une fois à l’intérieur de la mosquée, le leader du Hirak d’Al Hoceima s’attaque à l’imam l’accusant d’émettre « des fatwas pour que les gens du Golfe viennent violer femmes et enfants« . Lors de sa prise de parole devant les fidèles de la mosquée, Nasser Zefzafi attaque également l’imam sur son utilisation du mot « fitna ». « Que signifie la fitna alors que la majorité des jeunes ne trouvent rien à manger? Que signifie la fitna alors que les chaînes de télévision d’État diffusent des images de femmes dénudées dans le cadre de Mawazine?« , lance-t-il.

Le prêche dénoncé par Nasser Zefzafi a été distribué par le ministère des Habous aux 80 imams menant la prière du vendredi à Al Hoceima. Le texte, selon des militants du Hirak, critique le mouvement social. Nos confrères de Medias24 ont pu obtenir une copie du document, qu’ils ont diffusé en intégralité.  En voici certains passages :

L’existence de ces bénédictions dont Dieu a doté le Maroc ne signifie en aucun cas l’absence de manquements, d’insuffisances ou de dépassements. Ni qu’il n’y a pas de volonté de réforme. Ni qu’il ne faut pas demander des améliorations.

Le vrai croyant ne part pas d’appels anonymes lancés sur Internet, ne s’enflamme pas d’une manière inconsidérée, ne regarde pas uniquement les erreurs

Il faut éviter la Fitna (discorde). Rien dans la religion ne permet ni ne justifie la destruction des biens… L’appel à la désobéissance, les troubles, par le mensonge, la falsification, est condamné par le Prophète lui-même. Il faut s’assurer des informations avant de réagir.

L’État réagit

Le coup de force de Zefzafi fait réagir immédiatement le ministère des Affaires islamiques. Le département d’Ahmed Taoufiq publie un communiqué dénonçant « fermement » des actes « prémédités« , ainsi qu’un manque de respect et de considération » envers un lieu de culte.  Pendant ce temps, Nasser Zefzazi harangue les foules depuis le toit de sa maison familiale.

« Si je suis arrêté, j’aurai gagné, car je n’ai pas pris d’armes, je n’ai pas volé (…)« , déclare le leader du Hirak, appelant à de nouvelles marches « pacifiques » dans la ville. « Si je suis arrêté, j’entamerai une grève de la faim », annonce-t-il dans la foulée.

Alors que les manifestants scandent des « Dieu est grand » et d’autres slogans en soutien à Zefzafi, il s’isole avec certains « acolytes« . Ensemble, ils  » jettent des pierres  sur les forces de l’ordre« , selon une source au sein du ministère de l’Intérieur contactée par Telquel.ma. La police  ne parvient pas à mettre la main sur le leader du Hirak, mais disperse les manifestants rassemblés autour de Nasser Zefzafi. Trois policiers ont subi des « blessures graves » lors de cette intervention selon l’agence de presse MAP.

Dans le sillage de cette intervention, 20 personnes sont arrêtées par les autorités pour « des délits touchant à la stabilité intérieure de l’état et d’autres actes criminels« , annonce un communiqué du procureur du roi à la cour d’appel d’appel d’Al Hoceima publié le 27 mai. Parmi les personnes arrêtées se trouve Mohamed Jelloul, l’un des leaders du mouvement de contestation et proche de Nasser Zefzafi.

Après la diffusion de ce communiqué du procureur, des acteurs de la société civile annoncent de leur côté que ce sont plutôt 28 personnes qui ont été arrêtées. Finalement, un nouveau communiqué du procureur du roi indique 22 arrestations.

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Dans la foulée de cette intervention policière, des manifestations éclatent dans les provinces rifaines d’Imzouren, Bouayach, et Ajdir. Dans la ville de naissance d’Abdelkrim Al Khattabi, les manifestants caillassent la police comme en attestent des vidéos publiées sur Facebook. Entre-temps, Nasser Zefzafi refait surface dans une vidéo diffusée par le média local Rif24. On y voit le leader du Hirak appeler au maintien du « caractère pacifique des marches« .

Dans cette même vidéo, Zefzafi affirme que c’est l’éventualité d’une « manifestation historique le 20 juillet », dont l’objectif était de rassembler plus d’un million de personnes, qui aurait suscité « la peur » chez les autorités.

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Ampleur nationale

Alors que le mois de ramadan débute, les rues d’Al Hoceima sont calmes durant la journée du 27 mai. Nasser Zefzafi est lui toujours recherché par la police. Mais c’est dans la soirée, que les rues de la ville du Rif s’animent. Après la prière du tarawih, un rassemblement est prévu Place Mohammed VI à Al Hoceima, rebaptisée Place des martyrs par les manifestants. Une manifestation « violemment dispersée » selon  Elmortada Iamrachen, un activiste du Hirak. Pourtant, aucune vidéo montrant une intervention brutale des forces de l’ordre lors de ce rassemblement n’a été diffusée.

Le 28 mai, la contestation prend de l’ampleur. Dans plusieurs villes européennes, à savoir Bruxelles, Paris, Bilbao ainsi que La Haye, des manifestations de soutien au Hirak d’Al Hoceima sont organisées dans la journée du 28 mai selon nos confrères de Yabiladi. Le soir même, des manifestations similaires ont lieu dans plusieurs villes du Maroc, dont Casablanca, Rabat, Tanger, Agadir, Nador ou encore Errachidia. Selon le militant associatif Mounir Kejji, 53 villes et villages sont concernés.

C’est au lendemain de ces manifestations à l’échelle nationale que Nasser Zefzafi est interpellé par les autorités. Selon le site d’information Hespress, le leader du Hirak d’Al Hoceima s’est rendu aux autorités, suivant les conseils  de certains de ses proches. Reste désormais à savoir si le mouvement, dont les principales figures ont été interpellées, poursuivra ses manifestations. Un rassemblement est prévu dans la soirée du 29 mai.

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