Après une visite à Casablanca la semaine dernière, le ministre de l’Éducation s’est lancé dans un vaste projet de lutte contre l’insalubrité des établissements. Un choix motivé en partie par les dégradations constatées sur le terrain, symbole d’une situation d’urgence.
« Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il était franchement mécontent« , se souvient un témoin de la visite du ministre de l’Éducation à Casablanca. Dans le cadre de sa politique de modernisation du système éducatif, Mohamed Hassad s’est rendu la semaine dernière dans la province de Médiouna, en périphérie de Casablanca, pour constater l’état des infrastructures sur le terrain. Surpeuplement des classes, entassement du mobilier, délabrement des murs… l’ampleur des dégâts constatés dans une partie des établissements témoigne des maux dont souffre le système scolaire marocain. Celui-là même que le ministre souhaite réformer.
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Dans la foulée, Mohamed Hassad a annoncé vouloir s’attaquer aux « constructions anarchiques au sein des écoles« . Des structures informelles qui serviraient d’appartements de fortune ou de « foyers pour les animaux » à l’intérieur des établissements, selon le quotidien Al Massae du 22 mai. Telquel.ma est réparti sur les traces du ministre, pour comprendre les raisons de sa colère.
Entassement de mobilier vétuste
L’école primaire Ibnou Rachik est l’un des premiers établissements visités par Mohamed Hassad. Le directeur se souvient de la rencontre avec le ministre:
« Nous avons abordé la problématique du surpeuplement des classes qui nous touche particulièrement. Nos enseignants doivent gérer près de 50 élèves en même temps alors que la norme se situe autour de 35. Le ministre posait des questions et semblait préoccupé par cette difficulté « .
Autre problème constaté sur place, l’entassement du mobilier scolaire vétuste dans l’établissement. Un phénomène qui « existe aussi ailleurs« , selon une source au sein du ministère de l’Education:
« Cela peut arriver lors du renouvellement du mobilier. L’ancien est inventorié, on ne peut pas le détruire comme ça. Il faut écrire au domaine de l’État qui doit entamer une procédure de destruction. C’est ainsi que ce matériel vétuste se retrouve parfois abandonné dans l’établissement ou stocké dans un hangar de la direction provinciale« .
Si le phénomène de l’entassement persiste au Maroc, il s’est rapidement résolu à Ibnou Rachik, à la faveur d’une note ministérielle rédigée au lendemain de la visite de Mohamed Hassad, et ordonnant la destruction du mobilier entassé.
« Il s’est sali les chaussures, ce qui l’a fâché »
Parmi les nombreux maux dont souffre le système éducatif, le délabrement des infrastructures figure en bonne place. Lors de sa visite, le ministre de l’Éducation a pu constater l’ampleur du phénomène au lycée Ibn Batouta. Une dégradation déjà dénoncée en 2006 par Salah Majdoul, l’ancien coprésident des parents d’élèves du lycée. « Depuis, quelques progrès ont pu être réalisés ici et là, mais globalement la situation a empiré » s’agace-t-il.
Le ton est donné dès l’arrivée du ministre. « Il y avait de la terre jaunie devant l’entrée. Le ministre s’est sali les chaussures, ce qui l’a fâché. Il a ensuite regardé la porte d’entrée et les graffitis sur les murs et a demandé si c’était une école ou une prison« , raconte un témoin de la visite.
Pour justifier cette scène regrettable, des témoins évoquent « une visite surprise qui n’a pas permis d’accueillir le ministre dignement« . Mohamed Hassad aurait ainsi modifié son emploi du temps à la dernière minute pour se rendre dans des établissements « particulièrement précaires« . « Des fleurs avaient même été installées au collège Abdellah Guennoun pour l’accueillir. Les gens étaient déçus qu’il ne vienne pas« , se souvient-on.
Du côté du ministère, on préfère justifier ce changement par « une contrainte de temps nécessitant quelques modifications dans le planning« . Seul élément sur lequel tous les témoignages convergent: « le ministre était en colère« . » Le lycée était dans un état de délabrement avancé. Aucun citoyen ne peut se réjouir d’un tel spectacle, de surcroît un ministre« , nous confie une source au sein du département de Mohamed Hassad.
Malgré un ménage au tractopelle, impossible de cacher les murs fissurés de l’établissement et le délabrement de la cour de récréation. Une semaine après la visite du ministre, de la peinture beige recouvre les graffitis. Les murs fissurés aussi.
De mémoire, Salah Majdoul n’a jamais vu de « constructions anarchiques avec des animaux » au Lycée Ibn Batouta, ce qui n’enlève rien à l’urgence des travaux. « Le lycée est entouré d’un bidonville où vivent de nombreux animaux. Beaucoup ont pu pénétrer dans l’établissement par le passé, mais il y a maintenant une clôture qui les en empêche. Pour le reste, c’est catastrophique« , témoigne l’ancien coprésident des parents d’élèves du lycée.
De grands chantiers en perspective
Si les reproches sur le système éducatif sont légion à Médiouna, rares sont ceux qui remettent en cause la responsabilité des chefs d’établissement. « Les critiques se concentrent généralement sur les infrastructures et non pas l’aspect pédagogique« , insiste-t-on dans certains lycées qui pointent du doigt « l’inertie des directions régionales« .
« C’est un vaste problème qui ne se règle malheureusement qu’au cas par cas« , résume-t-on du côté du ministère. Problème de communication, immobilisme de certains acteurs, manque de moyen… Chacun se renvoie la balle face à ce phénomène qui pousse 7 enfants sur 10 à quitter l’école avant le bac.
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Mohamed Hassad s’est engagé à lutter contre ce mal en engageant 24.000 nouveaux enseignants. Un renouvellement du mobilier est également à l’ordre du jour avec l’achat de 260.000 pupitres. Du côté de l’insalubrité des établissements, une note ministérielle a été rédigée pour lancer la plus grande entreprise de destruction de bâtiments insalubres jamais menée.
Sur le terrain, la stratégie de confrontation avec le réel menée par Mohamed Hassad semble être appréciée. « C’est un bon ministre qui dit les choses franchement. Il va sur place pour voir la réalité des choses« , approuve un habitant. Ceci n’enlève rien à la crainte d’une déception, ni à l’urgence de la situation.
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