La conclusion de neuf mois de travail. Lorsqu’il reçoit son homologue malawien Francis Kaisala, dans l’après-midi du 5 mai à 16 heures, Nasser Bourita est sur le point de finaliser un dossier sur lequel il planche depuis août 2016. Un mois durant lequel le ministre des Affaires étrangères s’était rendu au Malawi afin de convaincre l’Exécutif de ce petit pays d’Afrique australe de retirer sa reconnaissance de la RASD. A l’issue de la rencontre entre les deux hommes le vendredi 5 mai, Francis Kaisala déclare que « la République du Malawi a décidé de retirer sa reconnaissance de la RASD qu’elle a reconnue le 6 mars 2014, et de maintenir une position neutre vis-à-vis du conflit régional autour du Sahara » au micro de l’agence de presse MAP. Un symbole pour le Maroc pour de nombreuses raisons.
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Ne pas banaliser la présence de la RASD au sein de l’UA
C’est « le premier retrait de reconnaissance de la RASD depuis le retour du Maroc à l’UA », souligne-t-on du côté du ministère des affaires étrangères. La prise de position malawienne permet ainsi de « lever l’ambigüité » concernant une supposée reconnaissance de la RASD par le Maroc suite au retour du royaume au sein de l’organisation panafricaine, analyse notre source.
Pour ce diplomate contacté par Telquel.ma, le retrait de reconnaissance du Malawi fait également office de message adressé aux pays africains, car il prouve que « le retour du Maroc au sein de l’UA ne banalise pas la présence d’une entité comme la RASD ».
Atteindre une « zone réputée inaccessible »
Cette décision est également importante pour la diplomatie marocaine, car elle a été prise par un pays d’Afrique australe. Une « zone réputée inaccessible » en raison, notamment de la forte concentration de pays reconnaissant la RASD, très proches de l’Afrique du Sud, allié historique de l’Algérie et le Polisario sur le dossier du Sahara. La prise de position du Malawi« montre que le royaume ne laisse pas de zone de confort à ses ennemis », tient à souligner le ministère dirigé par Nasser Bourita.
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La prise de position du Malawi ce vendredi 5 mai est d’autant plus singulière, que Lilongwe lors du sommet de l’UA qui s’est tenu au mois de janvier à Addis-Abeba a affiché une position hostile au retour du Maroc au sein de l’UA. Lors de la grand-messe africaine , un groupe de onze pays, parmi lesquels le Malawi avait approuvé un “mémorandum” émanant du Bureau du conseiller juridique de la Commission de l’UA pour contrer la demande d’adhésion du Maroc à l’UA. Ce “mémorandum” qui est un cinglant réquisitoire contre le Maroc, émanant du Bureau du conseiller juridique de la Commission de l’UA — alors encore présidée par la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma — est opportunément diffusé au cours des dernières heures décisives pour l’avenir africain du royaume. Selon le document, les représentants permanents de onze pays membres de l’Union africaine, – Algérie, Afrique du Sud, Ouganda, Mozambique, Zimbabwe, Malawi, Lesotho, Namibie, Nigéria, Kenya et Soudan du Sud – ont saisi le conseiller par une “communication” du 13 novembre 2016 pour lui poser une série de sept questions, dont la formulation ne fait aucun doute sur les réponses qu’en attendent les demandeurs. Cet avis juridique concluait d’ailleurs que « que le Royaume du Maroc est réputé par l’Union africaine comme occupant le territoire d’un autre État membre et comme empêchant le peuple y vivant d’exercer son droit à l’autodétermination, il serait difficile de concilier les actions nécessaires pour l’éradication de toute forme de colonialisme et parvenir à la libération totale de l’Afrique avec l’admission d’un État membre occupant un autre État membre de l’Union”.
Offensive sur la SADC
Cette évolution des relations avec le Malawi vient également renforcer le message que Mohammed VI veut envoyer: l’Afrique est et reste sa priorité. D’ailleurs une semaine après l’investiture de Nasser Bourita, le ministre des affaires étrangères fraichement désigné reçoit son homologue zambien, Harry Kalaba.
Le ministre marocain avait ensuite reçu la représentante diplomatique du Lesotho Mamphono Khaketla, avant de recevoir son homologue malawien ce 5 mai. Des pays qui, il faut le rappeler, font partie de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Une communauté économique dont la Zambie, la Tanzanie et Madagascar sont également membres. Les pays de la SADC est désormais un cercle que le Maroc veut intégrer parmi ses alliés.
Aide au développement africain
Le changement de position du Malawi n’a pas été évident, nous confesse une source diplomatique. Il y a eu des revirements, et des hésitations. Comment s’explique alors le changement radical de position de Lilongwe? Pour notre source, la décision prise par l’Exécutif malawien a été motivée par les projets de développement proposés par le Maroc dans le domaine de l’agriculture, du tourisme, de la gestion des ressources en eau, etc. L’image que veut véhiculer le royaume est celle d’un pays « qui ne propose pas des valises d’argent, mais des projets de développement concrets à l’Afrique ». Une piqure de rappel à quelques jours du sommet de la CEDEAO que le Maroc souhaite rejoindre.
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