Le PAM avait vivement réagi à l’annonce du gouvernement El Othmani de placer le Maroc dans le top 50 du classement Doing Business d’ici 2021. Pour Samir Belfkih, membre du bureau exécutif du parti au tracteur et coordinateur de la commission chargée du programme électoral au PAM, les 4,5% à 5,5% de taux de croissance annoncés sont « incompatibles avec l’ambition affichée de figurer parmi les 50 premières économies mondiales » du classement Doing Business de la Banque mondiale. « Les chiffres présentés sont similaires à ceux figurant dans la déclaration de 2012, sachant que l’engagement à ce sujet n’a pas été tenu lors du précédent mandat« , soutient Belfkih.
De plus, la croissance pour l’année 2016 est estimée à seulement 1,3% par le Haut-commissariat au plan (HCP). Pourtant, les économistes sont clairs: la croissance n’a aucun lien avec le classement Doing Business, qui est lié à des critères structurels du climat des affaires. Classé 68e en 2017, comment le Maroc pourrait-il grimper de 18 places en quatre ans ? Et que va-t-il y gagner?
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Une ambition réaliste ?
« Le gouvernement s’est fixé comme objectif de permettre au Maroc d’intégrer le cercle des 50 premières économies mondiales dans l’indice Doing Business à l’horizon 2021« , explique Saad Eddine El Othmani au Parlement le 19 avril. Le chef du gouvernement précise que cela dépendra du renforcement du secteur industriel et de l’application du plan industriel 2014-2020.
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Dans les faits, le Maroc est en pleine progression dans le classement Doing Business de la Banque mondiale. Classé 94e en 2012, il a doucement évolué à la 75e place en 2015 jusqu’à prendre aujourd’hui la 68e place. Le royaume se rapproche petit à petit du top 50. « Grâce à des efforts soutenus de réformes, le Maroc fait son entrée parmi le premier tiers des pays ayant le meilleur environnement des affaires« , relevait la Banque mondiale dans un communiqué en octobre 2016. L’institution évoquait notamment l’adoption récente des réformes relatives à la simplification de la création d’entreprises, l’enregistrement de titres fonciers, la mise en place d’un système d’évaluation de la solvabilité des emprunteurs, la protection des actionnaires minoritaires et la simplification des procédures d’importation.
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« Je souhaite bon courage au gouvernement, car si cette ambition est plausible et louable, il va falloir prendre des mesures très courageuses », nous explique un économiste lié à une institution internationale qui souhaite garder l’anonymat. Selon lui, les « décisions les plus faciles comme une ouverture raisonnable vers l’international, la signature d’accords de libre-échange et de conventions-cadres d’échanges, ont été prises« . Il reste néanmoins toute une batterie de mesures structurelles à mettre en place. Un chantier pour lequel notre interlocuteur témoigne peu d’optimisme.
Il mentionne par exemple l’enregistrement des propriétés foncières qui ne sont pas encore suffisamment transparentes. « Il faudrait une réforme de la conservation foncière« , suggère-t-il, précisant que cela n’est pas simple, puisque les grandes fortunes influentes sont foncières. « Il y a ensuite la question de l’obtention de crédit et de la compétition et modernisation du secteur bancaire« , cite-t-il en plus de la réforme de la procédure des douanes, de l’amélioration de la justice commerciale et de la facilitation de la faillite des entreprises. Autant de mesures qui demandent une révision du code commercial et la formation de juges. Selon lui, ces différentes réformes seront difficiles à faire passer par un « gouvernement hétéroclite qui manque de crédibilité politique« .
« Ce score est réalisable si on a la volonté politique et je recommande de faire le maximum, car beaucoup d’investisseurs regardent le Doing Business« , explique notre économiste. Intégrer le top 50 pourrait alors inciter des investisseurs à venir au Maroc « même s’ils ne sont pas naïfs, ils savent que cela ne mesure pas le niveau de corruption ou la qualité de l’administration publique« , ajoute-t-il.
« Je n’ai pas de problème avec le fait que le Maroc ait un classement Doing Business faible, à la 150e place. Il devrait plutôt viser une forte croissance de 7 à 10%« , ajoute notre source anonyme, établissant un parallèle avec la Chine, 78e au classement Doing Business, mais qui réalise une croissance de 6,9%.
Pour Yasser Tamsamani, chercheur affilié à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cet indicateur n’est pas pertinent. « L’approche du Doing Business est biaisée, ce sont des mesures qui plaident pour la dérégulation, la flexibilité du marché du travail, la privatisation et la supériorité du secteur privé par rapport au secteur public« , explique-t-il. « Plus on privatise, plus on monte dans le classement« , estime cet économiste pour qui la privatisation est néfaste pour la croissance. « En mettant devant nos yeux l’amélioration Doing Bunisess, le gouvernement adhère au cadre idéologique qui ne prend pas en compte la qualité du capital humain ou l’égalité« , analyse Yasser Tamsamani. Selon ce dernier, il serait préférable de se pencher sur d’autres indicateurs comme le taux de chômage pour fixer les objectifs de performance économique du pays. « Pour créer des emplois et absorber le stock de chômeurs, on a besoin d’une croissance de 6 à 7%« , anticipe-t-il. Pour cela, il n’identifie qu’un seul moteur plausible: l’investissement public orienté vers les nouvelles technologies et le capital humain.
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