« Les derniers messages », titrait le quotidien Hürriyet, tandis que le chef de l’Etat a participé samedi à quatre rassemblements électoraux et son Premier ministre à cinq, tous à Istanbul. Le chef du plus grand parti d’opposition (CHP, social-démocrate), Kemal Kiliçdaroglu, était quant à lui près d’Ankara, et celui du principal parti prokurde HDP à Diyarbakir (sud-est).
L’objectif était de convaincre un grand nombre d’électeurs encore indécis pour ce scrutin qui s’annonce serré. « Demain, la Turquie prendra l’une des décisions les plus importantes de son histoire« , a déclaré M. Erdogan, appelant les Turcs à voter en masse.
« Les résultats s’annoncent bon« , a-t-il affirmé. « Mais cela ne doit pas nous rendre léthargiques. Un oui fort sera une leçon donnée à l’Occident« , a-t-il ajouté, après s’en être régulièrement pris à l’Union européenne pendant la campagne.
Neuf mois après un putsch manqué contre M. Erdogan, les Turcs sont appelés à voter dimanche pour ou contre une révision constitutionnelle prévoyant notamment la suppression du poste de Premier ministre au profit d’un hyperprésident qui concentrera entre ses mains de vastes prérogatives.
Le gouvernement présente cette réforme comme indispensable pour assurer la stabilité de la Turquie et lui permettre d’affronter les défis sécuritaires et économiques. Mais l’opposition y voit une nouvelle dérive autoritaire d’un homme qu’elle accuse de chercher à museler toute voix critique, surtout depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet par des militaires factieux.
Pour Kemal Kiliçdaroglu, la Turquie a le choix : « Voulons-nous poursuivre avec une démocratie parlementaire ou un système de gouvernement par un seul homme ? » a-t-il déclaré au cours de son meeting près de la capitale, comparant le système présidentiel voulu par le gouvernement à « un bus sans freins dont on ne connaît pas la destination ».
L’opposition a déploré ces dernières semaines une campagne inéquitable, avec une nette prédominance du oui dans les rues et dans les médias. Le HDP, en particulier, a dû faire campagne avec ses deux coprésidents et nombre de ses élus en prison, accusés de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux.
La campagne a par ailleurs connu quelques remous pour le parti au pouvoir (AKP, islamo-conservateur) qui porte ce projet avec le parti nationaliste MHP. Une alliance nécessaire mais fragile, les nationalistes étant divisés sur cette révision constitutionnelle.
Le président a ainsi dû rassurer vendredi ses alliés nationalistes après que le dirigeant du MHP, Devlet Bahçeli, a accusé un conseiller de M. Erdogan d’avoir suggéré que le fédéralisme était envisageable après le référendum. « Il n’y a rien de tel à l’ordre du jour », a assuré le chef de l’Etat.
Le MHP s’oppose à toute sorte de fédéralisme qui accorderait notamment aux régions kurdes du sud-est de la Turquie une forme d’autonomie.
Les médias turcs ont rapporté que tous les conseillers et ministres de l’AKP avaient dû annuler leurs apparitions à la télévision dans les dernières heures de la campagne pour éviter le moindre faux pas.
La sécurité occupe également une grande place dans l’organisation du scrutin, le groupe Etat islamique (EI) ayant appelé dans le dernier numéro de son hebdomadaire Al-Naba à des attaques contre les bureaux de vote en Turquie dimanche.
L’agence de presse privée Dogan a écrit samedi que 49 membres présumés de l’EI avaient été arrêtés à Istanbul cette semaine. Mardi, 19 autres avaient été interpellés à Izmir (ouest), soupçonnés de préparer des actes de sabotage pour perturber le référendum.
La Turquie a été frappée ces derniers mois par une vague sans précédent d’attaques meurtrières, liées au groupe EI et à la rébellion kurde. Quelque 33.600 policiers seront déployés dimanche à Istanbul pour assurer le bon déroulement du scrutin, selon l’agence de presse progouvernementale Anadolu.
M. Erdogan, 63 ans, a occupé le poste de Premier ministre entre 2003 et 2014 avant d’être élu président, des fonctions censées être largement protocolaires. Avec la révision constitutionnelle, il pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2029.
La campagne prenait officiellement fin samedi à 18H00 (15H00 GMT). Dimanche, les bureaux de vote ouvriront entre 7H00 et 8H00 (04H00 et 05H00 GMT).
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