Le texte controversé, qui bannit l’entrée des États-Unis aux ressortissants de six pays musulmans, devait être appliqué à partir du 15 mars à minuit, heure de Washington. Mais à quelques heures seulement de l’entrée en vigueur du nouveau texte qui avait pourtant été expurgé de ses éléments les plus contestés, le magistrat de Hawaï Derrick Watson a estimé dans son jugement que la suspension temporaire du décret éviterait un « préjudice irréparable« .
Tenant une réunion publique à Nashville (sud), le président américain a dénoncé la décision « erronée » d’une justice qui, selon lui, commet ainsi « un abus de pouvoir sans précédent« . Il a promis d’aller jusqu’à la Cour suprême. « La loi selon la Constitution a donné au président le pouvoir de suspendre l’immigration quand il estime qu’il y va de l’intérêt national de notre pays« , a-t-il dit, ajoutant: « Nous allons gagner« .
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Des jugements à répétition
Pour expliquer sa décision, le juge Watson s’est appuyé notamment sur plusieurs déclarations de Donald Trump à l’égard des musulmans pour conclure que le décret comporte « des preuves significatives et irréfutables d’animosité religieuse« . Sa décision fait référence à des propos de campagne de Donald Trump, lorsqu’il s’était prononcé pour une interdiction d’entrée des musulmans sur le territoire américain.
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Quelques heures après le juge de Hawaï, un juge fédéral de Seattle, dans l’Etat de Washington (Nord-Ouest), a accepté une demande de « suspension provisoire de 14 jours » par les Etats de Washington et de l’Oregon, en citant là aussi les « préjudices irréparables » que causerait le décret.
Un troisième juge fédéral devait aussi se pencher sur ce décret migratoire, à Greenbelt, dans le Maryland (Est), à la demande d’une coalition d’organisations de défense des libertés et des réfugiés, dont la puissante American Civil Liberties Union (ACLU). « Dans l’esprit (de Donald Trump), le danger associé aux musulmans et le danger associé aux réfugiés ne sont qu’un seul et même danger« , a dénoncé Omar Jadwat, l’avocat de l’ACLU. « La Constitution a une fois de plus permis de freiner le décret scandaleux et diffamatoire » du président américain, s’est félicitée l’ACLU après le jugement de Hawaï, contre lequel le gouvernement a la possibilité de faire appel. Le nouveau décret « ne fait aucune distinction entre les religions« , avait insisté Jeffrey Wall, l’avocat du gouvernement, durant les audiences de la journée, certaines se déroulant par téléphone.
Echec d’un deuxième décret
Le second décret, désormais bloqué, prévoyait de fermer temporairement les frontières américaines aux réfugiés du monde entier et de suspendre l’octroi de visas durant 90 jours pour les ressortissants d’Iran, de Libye, de Syrie, de Somalie, du Soudan et du Yémen. Le dispositif, qui ne concerne plus l’Irak et exempte les détenteurs de visas et de « cartes vertes« , sésames des résidents permanents, était pourtant atténué par rapport au premier décret adopté le 27 janvier.
Celui-ci avait brusquement semé le chaos dans les aéroports et suscité des réactions outrées à l’étranger ainsi que de nombreuses manifestations aux États-Unis. Son application avait été bloquée le 3 février. Cette décision d’un juge de Seattle, James Robart, avait ensuite été validée par une cour d’appel de San Francisco, le 9 février, poussant le président républicain à revoir sa copie.
Des débats houleux
Ces derniers jours, le président et ses principaux ministres, Rex Tillerson (Affaires étrangères), Jeff Sessions (Justice) et John Kelly (Sécurité intérieure), avaient défendu ce texte, le qualifiant de « vital » pour la sécurité nationale face à des menaces d’attentats ne cessant selon eux d’évoluer.
Mais les opposants au décret ne sont pas convaincus de cette urgence. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les attaques les plus graves aux États-Unis ont été commises soit par des Américains, soit par des ressortissants ne provenant pas des pays visés par le décret. Selon ses détracteurs, le nouveau texte aurait eu des conséquences très négatives sur les secteurs de l’éducation et des affaires, notamment pour les sociétés des nouvelles technologies.
Lyft, Airbnb, Dropbox et d’autres sociétés de ce secteur ont déposé mardi un mémoire de soutien à l’Etat de Hawaï, archipel comptant une forte proportion d’habitants d’origine étrangère. C’est le gouvernement de Hawaï qui est à l’origine de la procédure qui vient d’aboutir à la suspension de la mesure la plus controversée du début de mandat de Donald Trump.
« Le gouvernement Trump a peut-être modifié son texte discrédité, qui interdit l’entrée aux musulmans, mais il n’en a changé ni l’esprit ni les effets anticonstitutionnels« , a assuré Xavier Becerra, le procureur général de Californie, l’un des cinq autres Etats contestataires avec le Massachusetts, l’Oregon, le Maryland et l’Etat de New York. Son homologue de New York, Eric Schneidermann a stigmatisé un texte ayant pour objectif « illégal et contraire à la Constitution de discriminer sur la base de la religion et l’origine nationale« .
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