Libye: les femmes interdites de voyager seules

En Libye, les femmes de moins de 60 ans ne peuvent plus voyager sans être chaperonnées par un homme. Les activistes des droits des femmes s'indignent.

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Dans la capitale Tripoli, des habitants célèbrent dans les rues le sixième anniversaire de la révolte populaire, en 2017. Crédit: Mahmud Turkia, AFP

Après le décret anti-immigration de Donald Trump qui fermait les frontières américaines aux ressortissants de sept pays, c’est au tour de la Libye de susciter l’indignation à cause d’une des décisions de ses autorités. Ainsi, les femmes libyennes de moins de 60 ans sont interdites de voyager en dehors du territoire si elles ne sont pas accompagnées d’un homme. Cette décision a été prise par le chef d’état-major de l’armée libyenne, le général Abdel Razek Nazhuri, le 16 février et concerne l’est du pays. « Nous attendons maintenant les instructions du ministère de l’Intérieur pour identifier le mode d’application de la décision d’interdire le voyage des femmes sans muharram« , a expliqué le colonel Salem Al Atrash cité par le média libyen Al Wasat.

Des justifications critiquées

« J’ai été surprise par l’explication donnée à cette décision« , déclare à Telquel.ma Elisabeth Steenhoven, directrice Europe de l’association Kamara, qui milite pour les droits de la femme arabe qui suit de près l’évolution en Libye. « Cette fois-ci, les autorités n’ont pas invoqué l’excuse de protéger les femmes faibles et inférieures contre les agressions masculines« , analyse-t-elle. Al Wasat rapporte que les autorités ont prétexté « l’intérêt général et la sécurité de la Libye« , et non pas des raisons politiques et religieuses. Le général Nazhuri explique aussi avoir observé « plusieurs cas de femmes qui ont travaillé avec des services de renseignement étrangers« , selon Al Wasat. Les autorités craignent aussi que les femmes se rapprochent des organisations internationales. « Elles sont pointées du doigt comme étant des espions et des ennemis du peuple« , résume Elisabeth Steenhoven.

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Alors que des femmes ont déjà été arrêtées à l’aéroport de Labraq selon l’activiste Zahra Langhui sur Twitter, ces arguments ne convainquent ni la société civile, ni la chambre des représentants. L’un des membres de l’assemblée, Ziyad Daghim, a déclaré que Nazhuri « était en train de dépasser son autorité en publiant un tel ordre », rapporte Libya Herald. Sur Twitter et Facebook, la campagne menée par les activistes qui s’indignent à coups de #WomenTravelBan fait rage.

Contactée par Telquel.ma, Iman Bugaighis, ancienne porte-parole de la révolution et du Conseil national de transition (CNT), s’est dite « choquée, mais pas surprise » par cette décision. Elle accuse les autorités de faire preuve de discrimination de masse contre les femmes. « C’est une insulte et une violation des droits de l’homme« , s’insurge l’activiste qui est exilée depuis 2014 et l’assassinat de sa sœur, Salwa Bugaighis, également activiste et militante.

Un courant plus profond dans la société

Iman Bugaighis rappelle pourtant que de nombreuses personnes, femmes et hommes, soutiennent cette mesure en Libye. « Le problème réside dans les racines profondes de la société« , déclare-t-elle. « Quand la révolution a commencé, les femmes étaient sur le premier front. Nous avions gagné en respect« , se souvient l’ancienne porte-parole du CNT. « Mais quand les choses ont commencé à empirer, les femmes ont été blâmées et elles ont été accusées de l’échec de la révolution« , observe Iman Bugaighis, qui a vu la situation des femmes se détériorer dans son pays.

« On voit que l’emprise de l’extrémisme religieux s’agrandit, surtout à l’est de la Libye« , ajoute Elisabeth Steenhoven. « L’imam Osama Otaibi est venu en visite il y a deux ou trois jours. Il est clair qu’il a dû souffler l’idée« , soupçonne la responsable européenne de l’association Karama, tout comme de nombreux Libyens sur place selon Libya Herald. Sur Twitter, l’activiste Zahra Langhi fait le même constat.

Elisabeth Steenhoven dit avoir reçu des tas de mails depuis la publication de cette décision. « Les femmes sont très inquiètes que ce ne soit que le début d’une série de mesures« , s’alarme-t-elle. Dans la même veine, des décisions pourraient être prises pour les empêcher d’accéder à certains espaces publics ou leur interdire de conduire des voitures comme cela est le cas dans certains pays du Golfe. « Il faut à tout prix que cette décision soit annulée », exhorte Elisabeth Steenhoven.

 

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