Une petite dizaine de victimes s’est réunie le 15 février à Casablanca, autour de l’Association pour le droit et la justice au Maroc (ADJM). Si Mustapha Ramid, ministre de la Justice, a évoqué fin janvier 37 affaires de spoliations de biens immobiliers, Stéphane Vabre, secrétaire de l’ADJM, parle du recensement de 250 dossiers. « L’association en a une petite centaine. Depuis plusieurs mois, nous recevons une dizaine de demandes par semaine depuis la France, le Maroc, la Belgique ou l’Espagne. Nous sommes débordés. Il y a vraiment une urgence« , explique-t-il.
L’ADJM continue de se battre pour les victimes de spoliations foncières. L’association dénonce « les conséquences et les dangers de la loi 39-08/2011 pour les victimes qui considèrent qu’il s’agit d’une loi spoliatrice, injuste et inique dont les effets sont en outre néfastes pour les perspectives d’investissements au Maroc« .
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Face à ce constat, le ministère de la Justice a publié le 14 février un communiqué listant ses propositions pour lutter contre la spoliation des biens immobiliers. Ces mesures visent à améliorer la prévention contre la falsification d’un ensemble important de documents, notamment les pièces d’identité, les procurations, ou encore les actes d’héritage, qui permettent à des faussaires de s’emparer de biens immobiliers. Leurs cibles principales sont des citoyens étrangers et des propriétaires marocains résidant en dehors du territoire.
Une procuration plus réglementée
Suite à une lettre du roi adressée au ministère de la Justice le 30 décembre 2016, le département de Mustapha Ramid propose l’amendement de l’article 4 du Code des droits réels en « rajoutant l’attestation de procuration aux documents devant être rédigés par un rédacteur officiel ou un avocat compétent« , indique le communiqué.
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Pour Abdelmajid Bachgar, notaire à Rabat, il est justement très important d’améliorer la sécurité de la procuration « qui permet la spoliation des biens immobiliers« . Mais ce n’est pas suffisant selon lui. « Il faut créer un fichier central dématérialisé permettant de répertorier les procurations révoquées« , propose le notaire, alors que ces dernières ne sont pour l’instant pas publiées. Une brèche dans laquelle s’engouffrent les faussaires, selon le notaire.
Des sanctions unifiées
Le ministère de la Justice propose aussi d’amender l’article 352 du Code pénal afin d’unifier « les peines relatives aux crimes de falsification entre tous les professionnels concernés par la rédaction des contrats, à savoir, les notaires, les adouls et les avocats« . Le notaire Abdelmajid Bargach se félicite de cette mesure qui mettrait tous les professionnels sur un pied d’égalité alors que les avocats étaient jusqu’ici épargnés de la peine à perpétuité pour falsification de documents.
Transparence et archivage
Afin de barrer le passage aux faussaires, le ministère de la Justice envisage de publier en ligne tous les titres fonciers de l’Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) afin que les propriétaires puissent suivre la situation de leurs biens immobiliers sur une nouvelle plateforme. « D’ici fin avril, toute personne pourra avoir accès aux titres des biens qui lui appartiennent« , nous explique Karim Tajmouti, directeur de la conservation foncière. « Un système de notification va permettre d’être informé en temps réel de toute tentative de transaction ou de consultation d’un bien« , décrit-il.
D’un autre côté, le ministère de la Justice prévoit un meilleur archivage en dressant « un inventaire des biens immobiliers conservés dont la propriété revient à des absents étrangers ou marocains » et en créant « un centre électronique d’archives relatives aux contrats signés par les notaires« . Afin de vérifier l’identité des documents et des personnes qui effectuent les transactions, le ministère propose « d’utiliser l’enregistrement audiovisuel lors de l’élaboration des contrats par les adouls, les notaires et les avocats« .
Le communiqué du département de Mustapha Ramid indique qu’il faut aussi « vérifier l’authenticité des documents et contrats signés à l’étranger, et ce, en contactant les autorités étrangères compétentes conformément aux conventions internationales en vigueur« . Cependant pour Viviane Sonier, avocate française qui défend les victimes de spoliations, les autorités françaises se distinguent par leur « immobilisme » dans ce domaine. Autant dire que le combat n’est pas terminé.
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