À l’heure du tout numérique, l’Éducation nationale tente tant bien que mal de s’informatiser. Depuis 2006, l’État marocain a engagé plusieurs projets pour dématérialiser le système éducatif et engager sa transformation digitale. E-plateforme, introduction du multimédia … Des projets ambitieux et coûteux qui pour l’instant, peinent à donner des résultats concrets.
Dernière tentative en date: le 30 janvier 2015, le ministère de l’Éducation nationale a signé trois conventions de partenariat avec le ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. Trois services viennent alors s’ajouter au plan de dématérialisation engagé par le gouvernement en 2009 pour informatiser l’administration: gestion des requêtes et réclamations, gestion de prises de rendez-vous et traitement du courrier. Une volonté de dématérialiser le système éducatif qui n’est pas récente.
Un chantier entamé depuis 2006
Malgré quelques initiatives déjà enclenchées, cette volonté d’informatiser l’Éducation nationale et plus généralement de l’administration du Royaume s’est concrétisée en 2008, avec le lancement du programme « Maroc numeric 2013 » qui visait à harmoniser plusieurs projets déjà lancés visant à informatiser le système scolaire. L’idée: intégrer les Technologies de l’information et de la communication (TIC) au sein du système éducatif à tous les niveaux.
C’est dans ce cadre que le ministère avait lancé, en 2006 déjà, le programme « GENIE » dans l’objectif de doter 100% des établissements scolaires publics en ressources multimédias connectées à internet à l’horizon 2013, pour assurer la disponibilité des contenus éducatifs en ligne. Le programme prévoyait également la formation des enseignants dans le domaine des TIC. Il était aussi question de développer des contenus numériques pédagogiques adaptés à l’apprentissage. Un pari qui n’a été que partiellement réussi, puisque sur les 11 000 écoles publiques autonomes en 2017, seulement 7 500 établissements ont été connectés à internet avec filtrage à ce jour, 3 000 établissements scolaires ont été équipés en salles et valises multimédias (un ordinateur et un vidéoprojecteur) et 6 500 écoles primaires ont été équipées en valise multimédia.
Ce projet a été complété en 2014 par le programme Massar, une plateforme en ligne mettant en relation les enseignants, élèves et parents d’élèves. L’outil permet également le suivi individualisé du parcours scolaire (relevés des notes des contrôles continus et des examens de certification, emplois du temps, dates des contrôles…). Le programme, qui avait suscité la polémique lors de son lancement, affiche des résultats positifs selon Hind Belahbib, directrice du système d’information auprès du ministère de l’Éducation nationale. « Le système a été généralisé à 100% au niveau de l’administration scolaire dans tous les établissements privés et publics du royaume, nous assure-t-elle, relevant toutefois que cette base nationale n’est pas utilisée à fond par les enseignants, mais représente un bon début« .
Aujourd’hui, le programme compte généraliser le cahier de texte électronique d’ici à l’année prochaine. « Le professeur mettra son cours en ligne à chaque fin de séance, un texte qui pourra être exploité par les inspecteurs, les parents ou encore le ministère lui-même« , explique Hind Belahbib.
Des points de blocage
Si il n’y a aucune réticence du côté des élèves, habitués aux environnements numériques (tv, téléphone, jeux vidéos…), le développement des usages qui favorisent l’intégration des TIC est à ancrer dans la pratique, surtout pour les enseignants dans le cadre de leur développement professionnel, selon Ilham Laaziz. « Quand on sait que 50% des établissements se trouvent dans le milieu rural, déployer un programme comme GENIE présente forcément des difficultés. Même s’ils sont équipés, changer les habitudes des enseignants est parfois compliqué. C’est pourquoi on a beaucoup investi dans la formation de ces derniers« , analyse la directrice du programme.
En effet, 900 formateurs déployés dans 148 centres forment depuis 2006 enseignants, enseignants stagiaires, directeurs et inspecteurs, à ces nouvelles pratiques. Ces dernières sont certifiées depuis trois ans par le programme. D’ailleurs, depuis 2006, 100 000 enseignants ont obtenu la certification pour deux outils bureautiques au moins.
C’est pourquoi dans le cadre de la Vision stratégique 2015-2030, une reconstruction des programmes scolaires intégrant les TIC est prévue. « Avant on disait aux professeurs: ‘vous devez respecter le programme et, en plus, vous intéresser aux TIC et les inclure dans votre cours’. On leur laissait le choix. Maintenant, ce sera une exigence actée dans le programme scolaire« , explique Ilham Alaaziz.
Mais pour assurer l’accompagnement par les TIC de cette refonte des programmes, il faut s’assurer que chaque établissement soit à la fois équipé et formé à un tel changement. Ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. « Il y a un effort de démocratisation à faire pour permettre l’accès à tous les établissements scolaires, c’est vrai. Mais ce n’est pas uniquement l’administration de l’éducation nationale qui doit être responsable de cette impulsion, mais les douze régions et les partenaires privés« , continue la directrice du programme GENIE.
Même constat au sein de l’enseignement supérieur
Un blocage qui se fait aussi ressentir au sein de l’enseignement supérieur. Si grâce au programme Net-U, lancé en 2016 par le ministère de tutelle, le haut débit a été généralisé gratuitement dans toutes les cités universitaires du pays, le défi de l’équipement des étudiants en ordinateurs n’a pas été complètement relevé.
Le programme Lawhati, dont le but était de proposer une tablette à bas prix aux étudiants et aux enseignants contenant différents contenus pédagogiques comme des MOOC (cours en ligne ouverts à tous) linguistiques, n’a pas été un succès. Le programme avait mis en place un montage financier de retenue à la source de la bourse, étalé sur plusieurs mois pour que les boursiers puissent acheter cet outil à un prix très bas. « Pourtant, les vendeurs partenaires affirment qu’ils n’ont pas du tout vidé leurs stocks. En fait, les gens veulent la gratuité, mais ils doivent investir un minimum s’ils veulent ce genre d’outil« , explique Lahcen Daoudi, ancien ministre de l’Enseignement supérieur.
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