Henri Matisse, célèbre peintre français du XXe siècle, et chef de file du fauvisme, a effectué deux voyages initiatiques à Tanger en 1912 et 1913. Deux séjours d’une durée totale de sept mois qui ont marqué sa vision du monde. Le réalisateur Yves de Peretti revient sur cette période charnière de la vie de l’artiste dans « Une fenêtre à Tanger: le Maroc de Matisse », documentaire réalisé à l’occasion de l’exposition « Le Maroc de Matisse » à l’Institut du Monde Arabe d’octobre 1999 à janvier 2000, et désormais accessible dans les archives du site de l’UNESCO.
Henri Matisse, 44 ans, débarque à l’Hôtel Villa de France de la ville du Détroit en janvier 1912 avec dans ses bagages, sa notoriété consacrée mais menacée par la montée en puissance des peintres cubistes (Picasso entre autres). Il emmène également avec lui ses angoisses, en particulier celle de réinventer sa peinture. « Les voyages au Maroc m’aidèrent à accomplir cette transition, à reprendre contact avec la nature mieux que ne le permettait l’application d’une théorie vivante mais quelque peu limitée comme l’était le fauvisme », confie-t-il dans « Ecrits et propos sur l’art ».
A son arrivée à Tanger, en raison des pluies, Matisse reste cloîtré dans sa chambre d’hôtel (numéro 35) qui a une vue sur la casbah et la baie de Tanger, durant un mois. « La pluie terminée, j’avais besoin de la nature pour prendre mon élan » se livre-t-il. Le peintre s’attelle à esquisser des paysages, des natures mortes (Vase d’Iris) et ce qu’il appellera des figures (Zohra en jaune). Dans le documentaire d’Yves de Peretti , on apprend que le peintre a développé une obsession durant son séjour tangérois: « la recherche de lui-même ». Tourmenté, Matisse termine son premier séjour en avril 1912, dans une « tension extrême ». « Le grand intérêt que m’a donné le Maroc et les oeuvres qui j’y ai faites ne peuvent pas me faire oublier le sentiment d’angoisse que j’ai approuvé pour réaliser mes peintures. J’étais obligé de me dédoubler », explique encore Matisse.
C’est en novembre 1912 qu’il revient dans la ville du Détroit. Ce séjour s’avère plus « doux » pour un Matisse apaisé. Dans ses correspondances, il confie même être « content » et confesse son désir de « rester longtemps ». Pour la petite histoire, Matisse essaie de retrouver Zohra, un modèle présent sur plusieurs de ses œuvres tangéroises. Cependant, cette dernière est empêchée sur ordre de la police de sortir de la maison de passe où elle vit.
Matisse trouve alors la parade, et fait poser la jeune fille sur la terrasse (Zohra sur la Terrasse). Ce second séjour se révèle aussi « intense au niveau créatif » pour Matisse. Il plie bagage en février 1913, avec des couleurs, lumières et influences plein la tête ainsi qu’une vingtaine de tableaux et dessins réalisés durant les deux périodes.
« La révélation m’est toujours venue de l’Orient, à Munich (la grande exposition d’art islamique 1910, ndlr) j’ai trouvé là une nouvelle confirmation. Cet art suggère un espace plus grand, un véritable espace plastique. Cela m’aide à sortir de la peinture intimité. Elle vous aide à sauter le faussé », écrira-t-il bien plus tard (1947) au critique d’art Gaston Diehl.
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