Boukentar: «la décision de la Cour de justice européenne ne peut pas faire jurisprudence»

El Hassan Boukentar, professeur des relations internationales à l'université de Mohammed V, explique pourquoi la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) concernant l'accord agricole ne devrait pas faire jurisprudence.

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Crédit : AFP

Dans un communiqué publié le 21 décembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) annonce le rejet de la décision du Tribunal datant du 10 décembre 2015 qui annulait les accords agricoles entre le Maroc et l’UE. Dans cette communication, la CJUE signale également que « les accords d’association de libéralisation conclus entre l’UE et le Maroc ne sont pas applicables au Sahara ». Que va-t-il advenir d’autres accords qui concernent la région? El Hassan Boukentar, professeur des relations internationales à l’université Mohammed V de Rabat, analyse les conséquences possibles d’une telle décision de justice.

Lire aussi: Accords agricoles: Que signifie l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne?

Telquel.ma: Y’a-t-il un risque d’effet domino sur  les accords entre le Maroc et l’Union européenne en particulier et sur les autres partenaires du Maroc en général?

El Hassan Boukentar: Absolument pas, parce que la décision est spécifique à un recours. On ne peut pas extrapoler d’une façon aussi mécanique cette décision à d’autres conventions, parce que chaque traité est régulé par ses acteurs, ses parties et son contenu. Malgré l’argumentaire qui a été développé par l’avocat général auprès de la Cour européenne et qui a été repris par cette dernière. Le plus important est que cette convention a été conclue entre le Maroc et l’Union européenne, a été aussi évaluée et ratifiée par ses propres institutions, et le Maroc constitue une totalité, dont le territoire va de Tanger jusqu’au frontières avec la Mauritanie. Implicitement, les Européens ont accepté cette interprétation. Aujourd’hui, la décision d’annulation a été elle-même annulée, ce qui ouvre la voie à l’application de l’accord.

Le jugement de la Cour européenne, notamment sur la question du Sahara, peut-il faire jurisprudence pour les autres accords entre le Maroc et l’Union européenne ?

Cette décision ne peut pas faire jurisprudence parce qu’elle concerne uniquement cet accord. Rien n’empêche d’autres juges de se prononcer dans le futur autrement.

Les entreprises qui importent/investissent au Sahara risquent-elles des représailles judiciaires, comme le prétend le Polisario ?

Elles ne risquent rien, car même sur la question de l’exploitation des richesses et du respect des droits de l’Homme, le droit international ne l’interdit pas dans l’absolu [l’exploitation des richesses], à condition de le faire en faveur de la population de la région. On a aujourd’hui suffisamment d’arguments pour démontrer que l’apport du Maroc, depuis 1975, dépasse largement cette question. Par exemple, nos adversaires parlent de l’exploitation des phosphates, sur le plan quantitatif, le phosphate en provenance de Phosboucraa ne représente que 2 % de la production globale du Maroc. Le royaume maintient cette exploitation pour des raisons sociales plus qu’économiques.

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