Accords agricoles: Que signifie l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne?

Dans son arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne estime que l’application de l’accord agricole Maroc-UE aux provinces du Sud « est contraire au principe de droit international ». Que vaut cette appréciation?

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Crédit : AFP

Dans un communiqué publié ce 21 décembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) annonce le rejet de la décision du Tribunal datant du 10 décembre 2015 qui annulait les accords agricoles entre le Maroc et l’UE. Ainsi, la demande du Polisario de faire annuler ces accords a été rejetée. Dans cette communication, la CJUE signale également que « les accords d’association de libéralisation conclus entre l’UE et le Maroc ne sont pas applicables au Sahara ». Mais que dit l’arrêt rendu par la CJUE à ce sujet et qu’implique-t-il ?

Polisario: du terrain au banc de touche

Dans son arrêt publié le 21 décembre, la Cour de justice de l’Union européenne revient sur le pourvoi introduit le 19 février par le Conseil de l’Union européenne et soutenu par la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, le Portugal ainsi que la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural  (Comader).  Un pourvoi ayant pour but de contester l’arrêt émis par le Tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne, le 10 décembre 2015. Dans cet arrêt, les accords agricoles entre le Maroc et l’Union européenne sont annulés car la conclusion des accords agricoles approuve « l’application dudit accord au Sahara occidental ».

Il est également stipulé dans le point  114 de l’arrêt du 10 décembre 2015 que « le Front Polisario est directement et individuellement concerné par la décision attaquée, il n’existe de ce point de vue aucun doute quant à la recevabilité du recours, contrairement à ce que font valoir le Conseil et la Commission ». Un point contesté dans le pourvoi introduit par le Conseil de l’Union européenne en févier 2016 et sur lequel la CJUE tranche dans le point 126 de son arrêt du 21 décembre. La Cour  estime que le Tribunal a jugé « à tort que l’accord de libéralisation devait être interprété en ce sens qu’il s’appliquait juridiquement au territoire du Sahara occidental, avant de prendre cette conclusion comme prémisse de son analyse de la qualité pour agir du Front Polisario ». Ce qui permet à la CJUE de juger que « le recours du Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario) est rejeté comme irrecevable ».  Une décision qui, pour un haut responsable marocain, signifie que le royaume a obtenu « gain de cause car l’accord demeure valable et le Polisario n’est pas jugé légitime pour mener ce genre d’actions».

L’accord agricole est-il applicable aux provinces du Sud ?

En vertu de la décision de la CJUE, l’accord reste effectivement « valable », mais son application aux provinces du Sud pose problème d’une perspective européenne. Dans le point 132 de l’arrêt du 21 décembre relatif à l’appréciation de la Cour, il est noté que «  l’accord de libéralisation doit toutefois être interprété, conformément aux règles pertinentes de droit international applicables dans les relations entre l’Union et le Royaume du Maroc, en ce sens qu’il ne s’applique pas au territoire du Sahara occidental ».

Une appréciation qui fait écho au point 107 de l’arrêt rendu par la CJUE dans lequel il est stipulé que  le fait de « considérer que le territoire du Sahara occidental relève du champ d’application de l’accord d’association est contraire au principe de droit international de l’effet relatif des traités, lequel est applicable dans les relations entre l’Union et le Royaume du Maroc ». Pour un responsable de la diplomatie marocaine ces deux points, « ne figurent pas dans le jugement final, et certains arguments de la Cour sont contestables. La Cour ne peut pas se substituer à d’autres organes et statuer sur ce territoire». Dans un communiqué conjoint diffusé suite à la publication de l’arrêt de la CJUE, le Maroc et l’UE soulignent d’ailleurs que « la décision du Conseil de l’UE portant sur la mise en œuvre de l’Accord agricole UE-Maroc demeure à ce titre en vigueur ».

Le problème de la dénomination « territoire du Royaume du Maroc » qui figure dans les accords agricoles signés en 2012 demeure et il faut s’attendre à ce que l’Union européenne invite le Maroc à travailler avec elle sur les implications du jugement de la Cour. Officiellement les accords agricoles s’appliquent uniquement à ce territoire. Or le Sahara qui a un statut particulier aux yeux de la Cour de Justice, n’est pas compris dans l’appellation « territoire du Royaume du Maroc » selon elle. Il faudrait donc imaginer une redéfinition des termes des accords agricoles qui puissent englober également les provinces du Sud, « sans remettre en cause la légitimité du Maroc à conclure de tels accords sur l’ensemble de son territoire« , précise-t-on côté marocain.

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