Riham El Hour est une discrète caricaturiste inconnue au bataillon. La chaîne britannique BBC l’a pourtant choisie parmi les 100 femmes inspirantes et influentes au titre de l’année 2016. Une consécration pour cette native de Kénitra aux origines palestiniennes, qui a réussi à se frayer (timidement) un chemin dans le milieu très masculin de la caricature. « Je connais Riham depuis 2001, c’est quelqu’un qui a beaucoup de courage pour exercer ce métier dans un milieu exclusivement masculin » nous confie Khalid Gueddar, caricaturiste et directeur le site satirique baboubi.ma. Aujourd’hui, la jeune femme de 39 ans est considérée comme la première caricaturiste marocaine. En moins de 16 ans, elle a cumulé les collaborations avec des journaux locaux, nationaux, ou magazines féminins (Al Alam, Citadine, Likouli Nissae, etc.), ainsi que les expositions nationales.
Son style simple, direct (téléphoné parfois, il faut dire) est inspiré de la tradition caricaturale du Moyen-Orient. Riham El Hour se dit passionnée par le dessin depuis son jeune âge. Le ton jovial, la caricaturiste se souvient: « j’avais l’habitude de faire des portraits de copains ou de professeurs quand j’étais au lycée et au collège ». Riham garde en tête un souvenir particulier : « une fois, mon professeur d’éducation islamique, qui était très sérieux, m’a surpris en train de le dessiner à même la table de classe. Il a rigolé en me disant que j’aurais dû lui tirer le portrait sur un papier ». A la surprise générale, une fois son bac en poche, elle choisit d’étudier la littérature arabe à la faculté de lettres de Kénitra. « Mais je restais liée au dessin et à l’art à travers les activités culturelles à la fac » tempère-t-elle. C’est en passant un concours de l’UNESCO pour la protection du patrimoine culturelle en 2000 qu’elle a fait son entrée dans le monde de la caricature, qu’elle « ne connaissait pas vraiment ». « C’était une révélation pour moi de participer et gagner le premier prix de ce concours » dit-elle, fièrement.
C’est alors qu’elle rencontre Larbi Sebbane, l’un des doyens de la caricature du Maroc. « Il m’a beaucoup encouragée ». Elle publie ses premières créations dans le journal du parti de la balance Al Alam, puis dans un journal local de Kénitra (Al Mintaka). Elle se dirige ensuite vers la presse féminine (Citadines, Likoli Nissae) avant d’atterrir à Rissalat Al Ouma, journal affilié à l’Union constitutionnelle où elle travaille actuellement.
Riham El Hour a multiplié les expériences dans plusieurs supports, mais jamais dans la presse à grande audience. « J’ai déjà frappé à la porte de plusieurs grands journaux mais ils ont toujours refusé que je collabore avec eux. Ils préfèrent les hommes j’ai l’impression » déplore la caricaturiste. Et de poursuivre : « C’est marrant de voir comment le discours de certains rédacteurs en chef changent. Ils n’arrêtent pas de prêcher l’égalité et les grandes valeurs dans leurs écrits, mais n’en font rien dans la réalité ». Khalid Gueddar abonde dans le même sens : « On vit dans un pays machiste donc les hommes sont toujours mis en avant par rapport aux femmes ». Malgré cela, Riham trouve du courage pour continuer à faire de la caricature. « J’ai essayé de prouver mon existence car les femmes peuvent y arriver aussi ! » nous confie-t-elle, déterminée.
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