Pourquoi Benkirane tient-il autant à l’Istiqlal ?

Abdelilah Benkirane et Hamid Chabat sont devenus  meilleurs amis après avoir mis de côté leurs dissensions. Pourquoi le chef de gouvernement désigné tient-il autant à l’Istiqlal ?

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Crédit : Tniouni

Abdelilah Benkirane tient mordicus à son allié. C’est lui-même qui l’a assuré dans sa sortie spectaculaire devant la commission nationale de son parti, le 5 novembre. Un choix qui hypothèque les chances de former une majorité gouvernementale, surtout face à un Aziz Akhannouch qui ne veut exclure l’Istiqlal des négociations menées actuellement. Comment peut-on expliquer ce rapprochement entre le PJD et l’Istiqlal ?

Pour Benkirane, le chef de l’Istiqlal est un « héros »

Hamid Chabat et Abdelilah Benkirane l’affirment. Un jour après les élections législatives du 7 octobre, une réunion à l’initiative du PAM a eu lieu entre les partis de l’opposition et le RNI pour tenter de former une majorité, élire le président de la première chambre et adresser un mémorandum au roi « pour lui demander de modifier la constitution – notamment l’article 47 (al.2) imposant la désignation du chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections. Ce même mémorandum ajoutait qu’une constitution démocratique comme celle de juillet 2011 ne devait pas servir les desseins et le objectifs d’une formation islamiste ‘’antisystème’’ », explique Mustapha Sehimi.

Hamid Chabat affirme avoir rejeté cette proposition, même si Ilyas Elomari a, de son côté, nié énergiquement la tenue d’une telle réunion. Abdelilah Benkirane n’en a cure, et qualifie d’« héroïque » et de « difficile à prendre » la position de Chabat. Une position étonnante car, depuis sa désignation à la tête de l’Istiqlal, l’ancien maire de Fès n’a pas lésiné sur les moyens pour attaquer Benkirane, comme en témoigne la sortie du partie de la balance du gouvernement en 2013.

En perte de vitesse, Chabat a décidé de changer ses relations avec le PAM qui, selon lui, représente le tahakoum, reprenant à son compte la rhétorique de Benkirane. Une position qui a été officialisée par le conseil national du parti en mai 2016. Bien qu’il ait repris ; pendant la campagne électorale, ses critiques envers Benkirane, ce dernier insiste à inclure l’Istiqlal dans la nouvelle combinaison gouvernementale.

Il ne veut pas se faire dicter sa majorité

Dans son discours du 5 novembre, le Chef du gouvernement n’a pas mâché ses mots : « Je n’accepterai jamais que quelqu’un, quel qu’il puisse être, vienne se comporter comme s’il était chef du gouvernement, alors que c’est moi qui le suis ». Une référence à Aziz Akhannouch, dont son parti « ne dispose [que] de 37 députés », assène le chef de file du PJD.

Ce point a été également évoqué par Mustapha Ramid dans une interview à Akhbar Al Yaoum, du 23 novembre. « Est-ce qu’un parti qui a gagné 125 sièges peut accepter les injonctions d’un autre qui n’en a eu que 37 ? » a-t-il fulminé. Et d’ajouter : « la position du nouveau président [Aziz Akhannouch, NDLR] est une grande surprise ». Calcul politicien ou position de principe ? « Benkirane est un homme de parole. Il s’est engagé avec l’Istiqlal et ça sera très difficile de revenir en arrière » affirme un fin connaisseur des arcanes du PJD.

Cette position de Benkirane peut s’expliquer par les difficultés qu’il a connues avec le RNI, lorsque celui-ci faisait partie la majorité. Les sorties de Salaheddine Mezouar contre le PJD et le conflit entourant le programme de lutte contre les disparités du monde rural ont fortement mis à mal les relations entre les deux leaders politiques.

Un parti conservateur qui a du poids dans la société

Socialement conservateur, économiquement libéral, l’Istiqlal est le parti dont les positions sont plus proches du PJD. Avec cette nouvelle alliance, les deux formations scellent aussi un rapprochement politique.

Et comme le PPS, « l’Istiqlal restera avec le PJD soit à la majorité soit à l’opposition », nous déclare Abdallah Bekkali, membre du comité exécutif de l’Istiqlal et président du comité de préparation du 17e congrès du parti. Benkirane tient à l’Istiqlal également parce qu’« il sait qu’il dispose d’une machine organique de dimension nationale, avec des structures, des relais et un électorat généralement motivé et discipliné ». Le parti de la balance peut également compter sur un « cursus historique en tant que matrice du mouvement national, encore présent dans la mémoire collective avec un tel titre de légitimité », souligne le politologue Mustapha Sehimi.

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