Une enquête de Human Rights Watch (HRW), publiée le 3 novembre, témoigne du traitement parfois « inhumain » réservé à la communauté musulmane belge, comprenant de nombreux citoyens d’origine marocaine, à travers les mesures antiterroristes menées par la Belgique depuis les attentats de Paris et Bruxelles.
Abus et humiliations
Intitulé « Sources d’inquiétude : Les réponses antiterroristes de la Belgique suite aux attentats de Paris et Bruxelles », le document fait notamment état de plusieurs abus liés à l’isolement des personnes suspectes. Selon HRW, l’une des mesures prises par la Belgique en 2015 pour lutter contre le terrorisme consiste à placer en isolement, « jusqu’à 23 heures par jour, tous les détenus accusés ou reconnus coupables dans des affaires de terrorisme. » L’enquête révèle que certains prisonniers sont restés en isolement jusqu’à 10 mois consécutifs, précisant que les autorités pénitentiaires « ont perpétué presque toutes les mesures sévères d’isolement pendant des mois alors qu’un prisonnier avait tenté de se suicider et qu’un autre avait déclaré au psychiatre de la prison ‘parler aux murs’ ».
Autre conséquence des dérives des nouvelles lois antiterroristes, la prolifération de paroles xénophobes et les amalgames faits à l’encontre des suspects. HRW précise avoir enquêté sur pas moins de 26 incidents où la police est suspectée d’avoir proféré des insultes telles que « sale Arabe » ou « sale terroriste », à l’encontre des prévenus. HRW cite notamment l’exemple d’Omar, un ressortissant belge d’origine marocaine. Ce dernier assure que la police l’a battu et traité de « sale arabe » avant de le relâcher sans l’inculper. « Et on se fait attaquer par l’État qui dit “Vous avez à voir avec l’État islamique” », ajoute-t-il. Dans 10 cas recensés, le rapport de Human Rights Watch explique qu’il y a eu « recours à une force excessive, y compris en les frappant [les suspects] ou en les jetant contre des voitures. » « À l’exception d’un suspect, tous étaient musulmans et tous, sauf deux, étaient d’origine nord-africaine », précise l’enquête.
Le gouvernement promet des enquêtes
« La Belgique a travaillé dur l’année passée à la prévention de nouvelles attaques, mais ses lois et les réponses de la police ont été mises à mal par leur nature trop générale et parfois abusive », s’inquiète ainsi Letta Tayler, chercheuse auprès de la division terrorisme à Human Rights Watch et auteur du rapport. « Nous partageons l’indignation et la douleur de la Belgique et de la France, et voulons voir les responsables traduits en justice. Toutefois, le recours à une force excessive lors de certains raids menés par la police risque d’engendrer un sentiment d’aliénation au sein des communautés dont la coopération pourrait pourtant aider à faire face à la menace », explique-t-elle.
De son côté, le gouvernement fédéral belge assure vouloir rester « fermement résolu à protéger » les droits humains dans le cadre de sa réponse au terrorisme, rapporte le site de HRW, citant une lettre du gouvernement, envoyée directement en réponse à cette enquête. Selon les instances dirigeantes, la Belgique enquêtait sur « un certain nombre d’incidents » de « violence verbale ou physique » présumée de la part d’agents de police au lendemain des attaques, mais « il s’agit d’incidents isolés et ce n’est en aucune façon le résultat d’une politique délibérée ».
Depuis les attentats de Paris en novembre 2015 et ceux de Bruxelles en mars 2016, la Belgique a renforcé considérablement ses lois antiterroristes. Désormais, le gouvernement peut notamment retenir les passeports et étudier les relevés téléphoniques et les e-mails des personnes soupçonnées de terrorisme, le tout, sans autorisation judiciaire.
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