« La situation est mauvaise et est en train d’empirer […] certains scientifiques parlent de tsunami au ralenti », a alerté la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Chan, à l’ouverture d’une réunion, première du genre, convoquée à l’assemblée générale de l’ONU au sujet de la résistance aux « super bactéries ». Les interventions des responsables onusiens et scientifiques lors de l’événement qui s’est tenu le 21 septembre font froid dans le dos. Le danger : l’expansion de la bactério-résistance.
La bactério-résistance, c’est quoi ?
La bactério-résistance est l’existence de bactéries très résistantes aux antibiotiques. Les antibiotiques ne tuent que les bactéries qui leurs sont sensibles, majoritaires, mais ne peuvent combattre les bactéries qui leurs sont résistantes. Or, ce médicament a un effet pervers : quand les bactéries sensibles sont éliminées, les souches résistantes prolifèrent, se multiplient, et contaminent les sensibles. Ces dernières, alors qu’elles étaient auparavant sensibles à ces médicaments, deviennent résistantes. Nous sommes donc passés d’une résistance naturelle à une résistance acquise.
À quoi est due cette résistance ?
Le développement de ces « super bactéries » résistantes est dû à la consommation d’antibiotiques par l’homme et l’animal, une consommation massive, répétée et mal menée.
Les animaux nous contaminent
Les plus grands consommateurs d’antibiotiques sont les animaux (dix fois plus que les hommes), « non pas parce qu’ils en ont besoin mais juste pour qu’ils grossissent plus vite », nous explique Adnane Remmal, professeur à l’université de Fès et chercheur en biotechnologie. S’il y a eu pendant longtemps un débat scientifique sur la transmission des bactéries résistantes de l’animal à l’homme, le lien est maintenant « indiscutable », nous assure le scientifique, qui nous explique que la transmission passe directement par la viande ou les œufs mais aussi par l’eau, les microbes présents dans les selles des animaux étant diffusés par les rivières…
Des maladies mortelles plus guérissables
« C’est un fléau qui menace l’humanité », interpelle Adnane Remmal. Comme les experts l’ont expliqué lors de la réunion tenue à l’Assemblée générale de l’ONU, il devient maintenant plus difficile de lutter contre certaines maladies qui étaient auparavant bien soignées.
« Ce n’est pas quelque chose qui se produira à l’avenir. C’est une réalité très présente », a lancé Ban Ki-Moon. Les maladies concernées sont les maladies nosocomiales mais aussi la pneumonie, la dysenterie, les infections urinaires et les maladies sexuellement transmissibles (chlamydiose, gonorrhée et syphilis), ainsi que la tuberculose. « Si on continue comme ça, une banale maladie comme la gonorrhée (maladie sexuellement transmissible, Ndlr) deviendra incurable », a expliqué Margaret Chan.
Actuellement, on estime que la résistance aux antibiotiques est responsable de 700 000 morts par an dans le monde, rapporte l’AFP. Un chiffre sous-estimé, d’après Adnane Remmal, qui considère que beaucoup de décès dus à des maladies nosocomiales ne sont pas comptabilisés comme tels.
Recherche: case départ
Alors que des bactéries très résistantes émergent, on assiste aujourd’hui à l’essoufflement de la recherche et à la diminution du nombre de nouvelles molécules disponibles pour développer de nouveaux antibiotiques. Les laboratoires ont quelque peu délaissé ce secteur quand les autorités sanitaires ont commencé à recommander de restreindre leur consommation rapporte l’agence de presse l’AFP. En 50 ans, « seules deux nouvelles classes d’antibiotiques sont apparues sur les marché » car le retour sur investissement pour ce type de médicaments est insuffisant, a rapporté la directrice de l’OMS citée par la même agence.
Quelles solutions ?
« Les antibiotiques, c’est pas automatique ». Il est urgent de rationaliser le recours aux antibiotiques par les malades. La recherche doit également être mise à contribution : Il faut trouver « des incitations pour retrouver l’ère prolifique de la découverte des antibiotiques des années 1940 à 1960 », a souligné la directrice de l’OMS le 21 septembre.
Côté élevage, difficile de limiter l’usage des antibiotiques puisqu’ils offrent des gains de productivité. Ce fléau est-il alors une raison supplémentaire de devenir végétarien ? Des solutions existent. Par exemple, Adnane Remmal a mis au point et breveté un remède à base d’huiles essentielles, et tout aussi efficace que les antibiotiques. Il a d’ailleurs reçu le prix de l’innovation pour l’Afrique 2015 pour sa trouvaille. Aussi, améliorer l’hygiène, le confort et l’alimentation des animaux ont montré leur efficacité pour réduire voire supprimer les antibiotiques.
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