Lors de la présentation des têtes de listes du PJD, un nom a attiré les feux des projecteurs. Il s’agit de Hammad Kabbadj, célèbre militant salafiste à Marrakech que le PJD va présenter comme tête de liste dans la circonscription de Guéliz dans la ville ocre. L’Istiqlal est, lui aussi, en négociation depuis des mois avec Abou Hafs, figure salafiste qui a progressivement changé de discours, adoptant des positions plus libérales. Ce dernier vient d’officialiser sa démission du Parti du renouveau et de la vertu (PRV), mais n’a pas pour l’instant annoncé officiellement sa candidature avec le parti de la balance. Un ancien idéologue de la salafiya, Mohamed Fizazi s’est, pour sa part, excusé auprès de l’Istiqlal qui lui avait aussi proposé de se présenter sous son étendard. Le Mouvement démocratique et social (MDS) du commissaire Archane a, lui, choisi depuis plus d’une année d’intégrer un groupe de salafistes dont le plus connu est Abdelkrim Chadli. Ce dernier n’a pas pour l’heure tranché la question de sa candidature. S’il se présente au scrutin, il devrait jeter son dévolu sur la circonscription de Sbata, nous assure-t-il.
Vers l’intégration politique ?
Abou Hafs voit cet intérêt des partis d’un bon œil. Pour lui, cela participe à « l’intégration politique de cette composante de la société et participe à la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme ». Et d’ajouter : « C’est mieux que de laisser (les salafistes) isolés, à condition, bien entendu, qu’ils adhèrent au jeu démocratique et croient à l’alternance pacifique du pouvoir ». Réelle volonté d’intégration des salafistes ou tactique électoraliste ? « Il ne faut pas être idéaliste, il y a un peu des deux. Les partis politiques font leurs calculs afin de gagner des voix et c’est leur droit », avoue Abou Hafs.
Pour le moment, seul le MDS a intégré des salafistes dans ses rangs. Mais la machine est encore loin d’être bien huilée. Pour Abdelkrim Chadli, sherpa du MDS pour l’enrôlement de figures salafistes, « les choses ne vont pas assez vite ». Il assure qu’il pourrait « intégrer au moins 50 à 60 salafistes comme têtes de listes mais ils sont pénalisés par leur passif. Il leur faut d’abord obtenir la réhabilitation ». En effet, beaucoup de salafistes possèdent des antécédents judiciaires, notamment dans des affaires liées au terrorisme au lendemain des attentats du 16 mai 2003. Cela les rend inéligibles au scrutin. Ce n’est qu’une fois obtenue cette fameuse réhabilitation d’un tribunal qu’ils peuvent se présenter. « Je viens moi-même d’obtenir ma réhabilitation il y a deux mois », nous assure Chadli. En somme, pour le moment, l’on assiste davantage à un essai d’intégration opéré par les partis politiques plutôt que d’un raz-de-marée de candidatures salafistes. Pour le moment, seule la présentation de Hammad Kabbadj a été officiellement annoncée.
« Des cartes gagnantes »
En plus des atermoiements des partis et de la problématique de réhabilitation, certaines figures ont choisi de rester loin de l’action politique. Mohamed Fizazi, qui s’est excusé de se présenter avec l’Istiqlal, veut se concentrer sur son travail associatif au sein de l’Association marocaine pour la paix et le balagh. Une décision qui s’explique par l’interdiction royale en juin 2014 aux imams de faire de la politique ? « Pas du tout », tranche l’imam Fizazi. À l’entendre, c’est la scène politique qui le repousse. Il estime que « les figures salafistes sont une carte gagnante pour les partis politiques en raison de leur influence et du nombre de leurs disciples ».
Qu’est-ce qui motive ceux qui souhaitent participer aux élections ? Mountassir Hamada, chercheur spécialiste des mouvements islamistes, souligne qu’« après la période de la répression envers les salafistes, l’État cherche à les intégrer, un travail que fait Archane notamment ». Et d’ajouter que les salafistes proviennent souvent de familles démunies : « Il y a le côté matériel qu’il ne faut pas sous-estimer. Se présenter aux élections et se faire élire présente pour certains d’entre eux la possibilité d’une promotion sociale ».
Hamada tient à souligner le caractère minoritaire de ce mouvement « même si, médiatiquement, il paraît important ». Le chercheur rappelle qu’une grande partie maintient une distance avec le travail partisan, lui préférant le travail de prédication et d’éducation, notamment les disciples de Cheikh Mohamed Maghraoui et d’autres qui suivent la maxime du Cheikh Al Albani: “C’est politique de laisser de côté la politique”, conclut-t-il.
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