Une jeune fille de 16 ans a été droguée et violée par une trentaine d’hommes. La scène, d’une violence inouïe, a été ensuite diffusée sur les réseaux sociaux, suscitant un vaste mouvement de protestation.
L’adolescente affirme être arrivée aux environs de 1h du matin chez son petit copain, à Rio de Janeiro, le week-end du 21 mai. Elle se souvient avoir passé quelques temps seule avec lui. Mais, lorsqu’elle recouvre ses esprits, elle se trouvait dans une maison différente, entourée d’une trentaine d’hommes, dont plusieurs armés. Après avoir été abusée sexuellement, elle parvient tant bien que mal à rentrer chez elle. Mais son calvaire ne se termine pas là. Une semaine après les faits, une vidéo de 40 secondes et des photos de la victime, nue, visiblement inconsciente, les parties intimes ensanglantées, apparaissent sur le compte Twitter de @michelbrazil7, désormais suspendu. La vidéo inaccessible à ce jour légendée «Pounded the girl – get it ? Hahaha.» ( on a ravagé la fille – vous avez compris ?) a été “aimée” plus de 500 fois, et suivie de plusieurs commentaires misogynes. Dans l’une des photos, l’un des criminels pose près du sexe de la victime. Le cliché est légendé : «Rio state opens a new tunnel for the speed train» ( l’État de Rio ouvre un nouveau tunnel pour le train à grande vitesse). La jeune fille a été hospitalisée pour recevoir des traitements préventifs contre les MST et pour être soignée.
Culpabilisation et normalisation du viol
Depuis sa mise en lumière, l’affaire a soulevé une vague d’indignation à travers le pays. Plusieurs associations, telle que United Nations Women (UN Women) ont appelé à manifester dans les rues et à dénoncer la culture du viol au Brésil, durement enracinée dans le pays mais aussi en Amérique Latine. À l’instar du journal O Globo, la presse locale a généralement mis l’accent sur la vie privée de la victime en la présentant comme toxicomane et jeune maman d’un garçon. Malgré cela, l’adolescente a reçu de nombreux messages de soutien en plus de manifestations organisées partout dans le pays. Sur sa page Facebook, elle s’est étonnée de cette vague de soutien, la jeune femme pensait qu’elle «serait sévèrement jugée». Et d’affirmer : «Ça ne me blesse pas l’utérus mais l’âme, parce qu’il y a des gens cruels qui restent impunis ! Merci pour le soutien». Pour Luise Bello, porte-parole de l’association féministe Think Olga le viol collectif «n’est pas hors norme parce que la culture du viol est très forte au Brésil, elle fait partie de notre quotidien, même si on le nie». Et à ceux qui affirment que si l’adolescente n’était pas sortie, rien de tout cela ne serait arrivé, les associations féministes ont répondu en montrant des rapports sur le nombre de femmes agressés au sein du cadre privé.
Le hashtag #EstuproNaoECulpaDaVitima (Le viol n’est pas la faute de la victime), dans le top des tendances du pays sur Twitter, a été créé pour dénoncer la culpabilisation des victimes par la société et les médias et de bannir des débats et des réflexions les questions vestimentaires des victimes, la consommation d’alcool et de drogue. La victime a confié à O Globlo être profondément blessée de la stigmatisation, «c’est comme si les gens disent ‘c’est sa faute. Elle portait des vêtements provocants‘. Je veux que les gens sachent que c’est la faute d’aucune femme. On ne peut blâmer une victime de vol, de s’être fait voler». Le président Michel Temer, fraîchement élu, a promis la création d’une unité de police fédérale pour les violences contre femmes, en s’insurgeant: «C’est insensé qu’au XXIe siècle, nous avons à vivre des crimes barbares comme celui-là» selon l’AFP. Déclaration qui n’a pas manqué de faire réagir les féministes, notamment Cynara Menezes dans son blog Socialista morena : «Je ne crois pas qu’un gouvernement qui a supprimé le ministère de la femme soit réellement préoccupé par cette question» reprise par Le Monde.
Une enquête au point mort
Le commissaire de police Fernando Veloso chargé de l’affaire a été remplacé dimanche, à la demande de l’avocate Eloisa Samy Santiago qui lui reprochait son comportement «misogyne» et «machiste», tout en affirmant que sa cliente avait été intimidée durant son interrogatoire. Vendredi, ce dernier avait déclaré enquêter «pour savoir si elle était consentante, si elle était droguée et si les faits se sont réellement passés». Mais, selon l’avocate, il aurait été jusqu’à demander à l’adolescente pendant son interrogatoire «si elle avait l’habitude de participer à des orgies». Cette décision «a pour objectif de souligner la nécessité de protection de la victime mineure dans la conduite de l’enquête, ainsi que d’éviter de futures interrogations sur la partialité du travail» policier, a déclaré la police civile de Rio de Janeiro dans un communiqué adressé à l’AFP.
Depuis samedi, 70 policiers ont mené une opération dans la favela de São José Operario, dans l’ouest de la ville, lieu dans lequel le crime a été commis. Un suspect y a été arrêté et interrogé avant d’être relâché, comme les deux autres jeunes, accusés d’avoir téléchargé et mis les photos et vidéos en ligne, libérés eux aussi, faute de preuves. Aux dernières nouvelles, aucun autre suspect n’a été arrêté. Ces criminels encourent entre 6 et 10 ans de prison selon les lois brésiliennes en vigueur.
À moins de deux mois des jeux olympiques de Rio, ce crime ravive le problème des violences à l’encontre des femmes dans une société où le «machisme tue». D’après le Centre brésilien des études d’Amérique Latine, entre 1980 et 2010 plus de 92.000 femmes ont été tuées pour des crimes liés au genre, dont des violences domestiques et des viols.
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